Élémentaire : West Element Story !

De feu et d’eau

Nicolas Winter
Published in
4 min readJun 29, 2023

--

C’est un fait, depuis plusieurs années maintenant, le studio à la lampe est à la peine. Le dernier long-métrage en date, Buzz l’Éclair, est un échec cuisant et Alerte Rouge, pourtant éminemment sympathique n’a pas connu de sortie cinéma. Avec Élémentaire, il était temps pour Pixar de revenir sur le devant de la scène et c’est à Peter Sohn, le mésestimé réalisateur du Voyage d’Arlo, que revient cette lourde tâche.
Un retour en force, enfin ?

Élémentaire nous emmène dans le sillage d’un couple d’immigrants, Brul et Sandra Lumen, des élémentaires de feu. Tous les deux débarquent dans l’immense et cosmopolite ville d’Element City pour y refaire leur vie.
Avec la naissance de Flam, c’est une toute nouvelle aventure qui commence. Grâce à leur boutique, les Lumen connaissent une vie heureuse et épanouie alors que Flam grandit toujours davantage.
Mais l’âge ne change rien à son tempérament pour le moins volatile et ses colères soudaines et brutales remettent bientôt en question la reprise du magasin à la place de son père. Il ne reste que quelques jours avant la fameuse passation de pouvoir et c’est une nouvelle crise de colère dans le sous-sol de l’échoppe qui va tout faire basculer… avec l’irruption soudaine d’un élémentaire d’eau : Flack Delamare, inspecteur de la mairie d’Element City !
Le long-métrage coloré de Peter Sohn rappelle d’autres (bons) souvenirs aux spectateurs : les quartiers bigarrés de Zootopia, les émotions fortes de Vice-Versa… mais c’est d’autres grandes influences qui vont irriguer le film avec des classiques tels que West Side Story et Roméo et Juliette.
Car comme dans ces deux derniers long-métrages, c’est une histoire d’amour entre deux familles complètement différentes et opposées qui va tout changer. Entre Flam et Flack, rien ne semble possible, leur nature elle-même semble inconciliable.
Et pourtant

Pourtant, Élémentaire utilise l’histoire personnelle de son réalisateur, américain d’origine coréenne dont les parents ont immigré à New-York et qui s’est lui-même mariée avec une non-Coréenne, pour passer un message universel de tolérance et de vivre-ensemble. Si l’on sera déçus de l’évident déséquilibre entre les éléments du long-métrage — les élémentaires de vent et de terre sont quasi-absents de l’histoire principale si l’on excepte deux personnages secondaires pour le moins anecdotique— il faut reconnaître un soin tout particulier au récit lorsqu’il se pose entre les différences culturelles qui existent entre Flack, Flam et leur famille respective.
Ainsi, Élémentaire parle de l’intégration de populations immigrées (qui fuient au passage une catastrophe climatique) dans un pays complètement nouveau mais également du repli communautaire qui en résulte et qui empêche encore davantage toute mixité.
D’un côté, nous avons Flam, jeune fille élémentaire de feu aux traditions fortes et bien ancrées, avec un respect de la cellule familiale et de la culture très fort — et qui représente bien nombre de populations asiatiques ou moyen-orientales — et de l’autre nous avons Flack, à la fois plus progressiste/émotif mais tout autant dévoré par les préjugés raciaux. Chacun se trouve enfermé par sa culture et ce qu’il pense de l’autre… jusqu’à ce qu’ils se côtoient vraiment. Si le message semble vu et revu, c’est la beauté de la relation qui s’établit entre la colérique Flam et le fragile Flack qui va constituer le principal point d’attache émotionnel du récit.

Au-delà de l’histoire d’amour entre deux êtres que tout semble séparer, et notamment sur le plan culturel et racial, c’est aussi une histoire générationnelle, intime, qui concerne Flam et son père.
Davantage qu’une romance impossible, Élémentaire présente un « coming-og-age » face à l’amour du père et aux espérances faussées.
Car Brul est convaincu que sa fille suivra ses pas, incapable de voir qu’elle rêve d’ailleurs et d’autres choses pour sa vie future. Douce, nuancée et authentique, cette relation fait prendre davantage d’épaisseur au personnage de Flam et lui offre un autre horizon que celui de la romance.
C’est la construction de soi, la recherche de sa propre identité et la faculté de décider par elle-même de son avenir.
On notera également la beauté et l’esthétique fabuleuse de ce nouveau long-métrage, avec ses couleurs chatoyantes, ses exotismes qui font plaisir, notamment au travers des élémentaires de feu, sans parler de cette ville bigarrée et multicolore, avatar fantasmé d’un New-York presque magique.

S’il n’arrive pas à rejoindre les sommets de certains classiques comme Vice-Versa ou Là-Haut, Élémentaire a l’avantage d’offrir au spectateur une aventure sincère et authentique en prise à la fois avec des sujets brûlants d’actualité comme l’immigration et des horizons plus intemporels comme la famille et l’amour malgré les différences culturelles.

Note : 8/10

--

--