Batman vs Superman : Dawn of Justice

The Dark Knight Returns

Nicolas Winter
Juste un mot
Published in
7 min readNov 19, 2017

--

Projet de longue haleine et qui a tour à tour suscité l’excitation puis l’appréhension, Batman vs Superman n’a pas (du tout) fini de déchaîner les passions. Situation très particulière, Batman vs Superman se trouve tiraillé entre deux objectifs : le premier, originel, de Zack Snyder, d’opposer deux super-héros que tous les fans de The Dark Knight Returns (le chef d’oeuvre absolu de Frank Miller) attendaient de voir sur grand écran, le second, opportuniste et à mettre sur le compte de la Warner Bros, ouvrir la porte à l’univers DC au cinéma à la façon de Marvel. Tiraillé entre ces deux lignes de conduite, le long-métrage se devait d’accomplir un exploit pour s’avérer à la hauteur. Soyons direct : l’exploit n’a pas eu lieu (et comment aurait-il pu avoir lieu dans ces conditions ?). Du coup, la plupart de la presse spécialisée descend le film en flammes et casse du sucre sur le dos de Snyder (tant qu’à faire…). Seulement voilà, nous allons essayer de faire la part des choses dans cet article et de vous expliquer pourquoi Batman vs Superman n’est pas le mauvais film que l’on veut vous faire croire mais bien un excellent film raté.

Pourquoi Batman vs Superman se loupe-t-il ?
Les raisons sont multiples. On trouve les prémices de ce malheureux échec dans le titre racoleur très clairement décidé par des publicitaires essayant de ratisser large et qui n’ont, visiblement, rien compris aux attentes du public. S’étalant sur pas moins de deux heures trente, le long-métrage est d’une densité jamais vue dans les autres films de super-héros (à l’exception de Watchmen ou d’Incassable). On pourrait croire qu’il s’agit d’une bonne chose mais non. Cette densité quasi-apoplexiante se retourne contre le film. Batman vs Superman doit faire trop de choses en trop peu de temps. Imaginez un peu : sur le laps de temps imparti, Zack Snyder aborde les conséquences de Man of Steel, le personnage de Batman, la radicalisation de Batman, le questionnement de Superman, la nature divine de Superman et notre droit à lui demander de rendre des comptes, le personnage de Wonder Woman, les motivations de Lex Luthor, la relation Clark Kent-Loïs Lane, le grand méchant Doomsday et, cerise sur la gâteau, les prémices de la Justice League ! Ouf ! Faire tenir tout ça dans un seul et unique film tenait de la folie ! On peut avoir tendance à se dire que si le résultat n’est pas à la hauteur des attentes…c’est certainement logique. En l’état cependant, Zack Snyder essaye de tirer le film vers le haut et d’accepter les contraintes d’une production que l’on devine liberticide à souhait pour le réalisateur.

Le problème de taille de Batman vs Superman, c’est cette volonté saugrenue et absolue de la Warner de rattraper à tout pris son retard sur l’univers Marvel au cinéma…en un seul film ! La chose est impossible et donc l’introduction des membres de la Justice League se révèle artificielle. Comme une pièce ajoutée qu’on ne savait pas trop où mettre. Seconde conséquence, le personnage de Wonder Woman arrive de façon incongrue. Si cela ne posera aucun problème pour les fans de comics, les autres seront assez perplexes devant le personnage de Gal Gadot pendant les trois quarts du film. La chose est d’autant plus dommage que le look comme l’actrice choisie sont des réussites. Enfin, un des éléments les plus importants, cet espèce de cahier des charges hache le rythme du film le rendant brouillon et non foisonnant comme il aurait pu l’être au départ. Ces handicaps sont si importants qu’ils masquent les autres réussites majeures du métrage.

Parce que oui, contrairement au bashage que subit Batman vs Superman en ce moment, le métrage de Snyder n’est pas mauvais. Il est juste raté. Mais du genre de ratage qu’on aimerait voir plus souvent parce que bourré d’audace et d’idées géniales. Contrairement aux films Marvel qui se ressemblent aujourd’hui tous, se forçant à être grand public et à aborder au maximum deux thèmes par récit, Batman vs Superman tranche net. D’un premier abord par sa réalisation. Si Snyder se calme un tantinet sur ses habitudes clinquantes, il reste l’homme capable d’iconiser une scène ou un personnage comme personne. L’introduction du film (et de Batman) en est un exemple parfait. Scène archi-connue, Snyder la capture avec une intensité rare pour en faire un tableau crépusculaire et morbide. De même, la façon d’utiliser Man Of Steel et sa fin controversée pour en faire un moteur de l’intrigue apparaît comme un coup de génie. On retrouvera cette mise en scène d’une classe folle à plusieurs reprises et, tout du long, elle donnera à Batman vs Superman une patte bien plus personnelle et marquante que toutes les productions Marvel réunies.

Autre point fort du long-métrage : Batman. Alors que tout le monde hurlait sur le choix de Ben Affleck au départ (comme pour Heath Ledger en Joker à l’origine, rappelons-le), celui-ci fait taire tout le monde. Il est simplement et définitivement parfait. Il interprète un Batman à l’âge mûre qui a encaissé plus de vingt ans de lutte contre le crime. Du coup, le justicier de Gotham apparaît extrêmement proche de celui de Frank Miller. Violent, borderline en diable, utilisant des armes à feu (une chose qui ne viole en rien le Batman originel, renseignez-vous bien), et surtout d’une extrême noirceur, ce Bruce Wayne là est passionnant dans ce qu’il dit et même ce qu’il ne dit pas. La face sévère d’un Ben Affleck grisonnant donne à la chauve-souris un aspect des plus impressionnants. De même, Snyder tente de présenter Batman comme un anti-héros, réussissant par la même à donner ce qui manquait à toutes les précédentes incarnations du Batman à l’écran : une aura terrifiante et charismatique. Pour une fois, Batman ne passe pas au second plan dans un film derrière les méchants.

Les méchants, parlons-en. Lex Luthor, incarné par un Jesse Eisenberg en roue libre, laisse perplexe. Si ses motivations sont très bien explicitées et convaincantes, l’interprétation d’Eisenberg peut poser souci, notamment vers la fin où Luthor est véritablement présenté comme un dément. Un élément gênant qui n’anéantit pas pour autant le personnage mais que l’on espère voir se corriger ultérieurement. L’autre méchant par contre (déjà dévoilé dans la bande-annonce) est un ratage complet : Doomsday. Même s’il trouve sa place pour opposer une vraie résistance aux trois héros du film, son introduction vient comme un cheveu sur la soupe et le combat s’avère assez décevant par rapport à l’orgie jubilatoire d’un Man Of Steel ou au combat singulier entre le Chevalier Noir et L’homme d’Acier. Ah ! Oui ! Parce que, quand même, Batman vs Superman voit l’affrontement le plus légendaire des comics avoir lieu ! Qu’en est-il ?

L’affrontement lui-même et ses préparatifs s’avèrent un succès de plus au compteur du film, non seulement parce que Snyder sait y faire dans ce domaine mais aussi parce que les raisons qui poussent Batman à affronter Superman se révèlent d’une grande crédibilité en posant des questions extrêmement intéressantes ! C’est définitivement dans le fond et dans l’opposition Superman et Batman que le long-métrage écrase la concurrence. Fasciné depuis longtemps par le rapport à Dieu (il a même osé détourné la fin de Watchmen dans cette optique), Zack Snyder s’interroge sur le pouvoir de Superman, sur sa légitimité, le danger qu’il nous fait encourir et sur notre capacité à pouvoir lui imposer une loi quelconque. Tout cet arc scénaristique passionne de bout en bout. C’est également là qu’on en vient à replonger vers le personnage de Superman en prolongeant la réflexion initiée dans Man Of Steel sur ses responsabilités et comment un être aux pouvoirs mirifiques peut les gérer en ayant été élevé en simple homme. Une nouvelle fois, le personnage de Superman se révèle bien plus touchant et réussi. La différence évidente entre les deux héros du film n’en est que plus éclatante et laisse finalement voir ce qu’aurait du être Batman vs Superman : un film sur deux super-héros à la vision radicalement opposée de la justice. En cela, Zack Snyder avait tout compris.

Gangrené par des exigences marketing saugrenues et irréalisables, Batman vs Superman a failli tomber dans le gouffre de façon définitive. Sauf que malgré ses (gros) défauts, le long-métrage de Zack Snyder est un film plein d’audace avec un casting fantastique, une mise en scène efficace (et souvent iconique) et d’une richesse thématique unique dans la catégorie des films de super-héros. Il nous offre un des Batmans les plus radicaux et les plus convaincants jamais vus sur grand écran ainsi qu’une réflexion sur le rapport à Dieu, tranchant dans le vif comme pouvait l’avoir fait Frank Miller jadis.
Batman vs Superman est un film raté.
Un grand film raté !
Faites-vous votre propre opinion !

Note : 8.5/10

Meilleures répliques :

- “Tell me, do you bleed ?”

- ‘It’s the dream of a farmer of Kansas”

- “You are my world”

Meilleures scènes : L’introduction — Batman contre Superman — Bruce et Alfred dans le manoir en ruines

--

--