Dogman

Une vie de chien

Nicolas Winter
Juste un mot
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4 min readJul 7, 2018

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Prix d’interprétation masculine Festival de Cannes 2018 pour Marcello Fonte

D’abord acclamé pour Gomorra puis controversé avec un détour par le fantastique Tale of Tales, le réalisateur italien Matteo Garrone revenait une fois de plus sur la Croisette cette année avec, à la clé, un prix d’interprétation pour Marcello Fonte, rôle principal de son dernier long-métrage présenté en compétition à Cannes.
Mais qu’est-ce au jusque que ce Dogman au titre si ambiguë et qui suit les tribulations d’un toiletteur pour chiens au cœur d’une banlieue pauvre italienne ?
Comédie-dramatique acide ou film social ? Un peu des deux et peut-être encore davantage. Loin des fantaisies de son précédent métrage, Garrone revient avec un ton âpre et familier qui fait la part belle à une violence urbaine crue et parfois insoutenable. Chronique d’une chienne de vie.

Dogman s’aventure donc dans une petite banlieue italienne où les immeubles décrépits côtoient les commerces de quartiers. Ici, tout le monde se connaît ou presque et les affaires se règlent quasiment en famille. Marcello est un homme sans envergure, un amoureux des chiens qui en a fait son métier mais qui, malheureusement, a aussi de mauvaise fréquentations en la personne de Simoncino. En se laissant entraîner par ce dernier, Marcello finit par faire le coup de trop et se retrouve isolé au sein de son propre quartier.
Dogman est un portrait cru et sans concession d’un homme-chien. Même si l’on peut prendre le film au premier degré en le considérant comme une simple histoire de gangsters pathétiques où le Dogman du titre renvoie à l’enseigne tenue par Marcello, ce serait négliger les deux autres niveaux de lectures du métrage de Matteo Garrone.

Marcello incarne ici la part animale de l’homme et devient vite la métaphore du gentil chien qui finit par subir tellement de la part de son maître qu’il lui mord la main. Malgré toute la fidélité de Marcello et toute l’humanité qu’on devine derrière son caractère de suiveur invétéré, notre toiletteur permet aussi de jeter un œil sur une société italienne bouffée par la misère et la violence où l’on deale pour arrondir ses fins de mois et où l’on revend quelques bijoux volés pour emmener sa fille faire de la plongée. Plus que le portrait d’un homme, Matteo Garrone offre un regard désabusé sur un monde moderne littéralement bouffé par la pauvreté. Autre élément capital, la violence, forcément, qui semble aller de soi dans un milieu aussi défavorisé. L’italien la filme frontalement et confronte l’homme à sa propre brutalité animale. La boucle semble bouclée.

Pourtant, ce serait vite oublier une autre lecture du film où le maître, Simoncino, devient le chien. Un chien fou, enragé, incontrôlable que l’on doit finir par mettre en cage et piquer. Matteo Garrone se venge tout autant de cette criminalité qui pourrit les quartiers que Marcello. C’est d’ailleurs ce dernier qui porte le film sur ses épaules. Interprété par un Marcello Fonte véritablement bluffant de réalisme, le personnage devient réel, presque palpable. Il est surtout plus complexe qu’il n’y parait de prime abord. Puisque derrière l’homme-chien, il y a aussi un père qui aime sa fille et qui préfère les bêtes aux hommes. Matteo Garrone finit par dresser un portrait social où l’homme et l’animal se tirent la bourre et où l’on finit forcément en cage.

Plongée dans la violence et la misère, Dogman transforme les hommes en chiens tout en recueillant l’humanité d’un Marcello Fonte impeccable. Mordant, violent et plus intelligent qu’il n’en a l’air, le film de Matteo Garrone mérite bien le coup d’oeil !

Note : 8/10

Meilleure scène : le sauvetage du chihuahua

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