Fleabag, Saison 1

Journal intime d’une femme moderne

Nicolas Winter
Juste un mot
Published in
4 min readApr 23, 2019

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Même si le marché semble outrageusement dominé par Netflix, d’autres chaînes ont haussé le ton depuis.
Parmi celles-ci, on trouve notamment Amazon Prime qui n’en finit pas de faire parler d’elle. Outre des projets diablement excitants autour du Seigneur des Anneaux et les prochaines séries sur Good Omens et The Boys, la chaîne compte déjà quelques poids lourds tels que The Terror, The Man in the High Castle ou The Marvelous Mrs Maisel.
Aujourd’hui pourtant, c’est une autre série moins connue qui nous intéresse avec Fleabag, production de la chaîne britannique BBC Three popularisée justement par sa reprise par Amazon Prime pour sa diffusion américaine…et française !

Cochon d’inde et amour(s)

Fleabag ressemble à nombre de jeunes femmes de son âge. Trentenaire célibataire qui rêve de gérer un bar-café cosy avec sa meilleur amie Boo, Fleabag doit gérer une vie affective pour le moins chaotique (entre histoires de cœur qui prennent l’eau et histoires de sexe sans lendemain) et une vie familiale à haut potentiel inflammable (avec une belle-mère en mode passive-agressive jouée par la géniale Olivia Colman et une sœur devenu un peu trop exemplaire pour son propre bien).
Pendant six épisodes d’une trentaine de minutes, Fleabag nous raconte ses états d’âmes et se livre entièrement au spectateur sur ses émotions, ses rêves, des lubies et ses peines. Pour se faire la série recycle un procédé déjà-vu ailleurs (on pense notamment à l’excellente House of Cards) en permettant au personnage principal de parler directement au spectateur et/ou de lui jeter des œillades complices.
Celle qui doit assurer le show, c’est définitivement l’actrice Phoebe Waller-Bridge qui endosse les extravagances de Fleabag (et les imagine, puisqu’elle est aussi la showrunneuse de la série) avec une aisance remarquable. Fraîche et impertinente quand elle n’est pas tout simplement caustique à souhait, l’anglaise offre tout entier son charisme naturel à la série. Si le reste du casting, à commencer par Olivia Colman et Sian Clifford, n’a pas à rougir en face d’elle, c’est aussi parce que l’ensemble s’articule parfaitement bien au sein d’un récit rythmé à la fois drôle et sensible.

Être une femme d’aujourd’hui

Si la série abuse du gimmick de l’aparté avec le spectateur, Fleabag peut compter sur la modernité de son message et le réalisme de son espèce de proto-journal intime d’une femme d’aujourd’hui. Sans tabou, la série parle des frasques sexuelles de ses personnages mais aussi de leurs espoirs déçus, ceux d’une génération bouffée par le conformisme du couple et qui abandonne ses rêves pour obéir aux impératifs de l’autre et de la société. La relation entre Fleabag et Claire l’illustre à la perfection. Reflet assagi de sa sœur, Claire incarne cette fouge féminine naturelle domptée par les vicissitudes du quotidien et la routine d’un couple médiocre. Autre miroir, celui du couple (re)composée formé par le père et la belle-mère de Fleabag, heureux en façade mais perclus de fêlures impossibles à colmater.
Bien évidemment, Fleabag en fait parfois trop dans son humour et se prend de temps à autre les pieds dans le tapis. La série parvient toutefois à se rattraper en mettant l’accent sur l’émotion dans ses derniers épisodes en révélant que la liberté chérie de son personnage principal n’a pas que de bons côtés. Avec cette nuance et l’intimité mise au service de l’humanité de ses personnages, Fleabag achève de convaincre qu’elle vaut mieux qu’un enchaînement de gags parfois poussifs. C’est finalement dans la fragilité de sa trentenaire pas comme les autres et dans les façades mis à bas de ses personnages secondaires que la série trouve un nouveau souffle qui donne furieusement envie de poursuivre l’aventure.

Petit vent de fraîcheur à l’humour noir et caustique (hautement) réjouissant, Fleabag porte aussi l’image de son héroïne ordinairement extraordinaire comme l’étendard d’une génération de femmes incapables de rentrer dans les cases qu’on veut leur assigner. Drôle et émouvant, la série britannique nous offre un divertissement de qualité capable de réfléchir au-delà des apparences tout en construisant une Bridget Jones 2.0 succulente.
Vivement la suite.

Note : 8/10

Critique de la saison 2 de Fleabag

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