
Helstrid
Un long voyage
Éditions du Bélial’, Collection Une Heure-Lumière, 130 pages

Après la fantasy, la science-fiction !
Tout juste sorti de son roman La Lyre et Le Glaive (à paraître chez Critic en mars prochain), Christian Léourier change de planète avec Helstrid, nouveau volume de la brillante collection Une Heure-Lumière du Bélial’.
Si l’on commence à connaître l’amour du français pour les destinations inconnues et les personnages délicats, Helstrid apporte une nouvelle pierre à l’édifice romanesque de l’auteur en s’engageant dans un genre très particulier, celui du survival en terrain hostile.
“L’homme n’est pas adapté au réel. La preuve : nous manipulons chaque jour davantage de symboles que d’objets.”
Avis de tempête
Vic est l’un des colons partis vivre très loin de la Terre sur une planète qui n’est pourtant pas faîtes pour l’homme : Helstrid. Des vents à plus de 200 km/h et des températures frôlant les -150°C, sans compter sur les séismes et les caprices de la surface, voilà qui rend les voyages sur Helstrid extrêmement dangereux. Pour ravitailler l’un des avant-postes miniers, Vic prend la tête d’un convoi de trois véhicules dirigés par des IAs aux noms délicieusement surannés tels qu’Anne-Marie ou Claudine. Une façon comme une autre d’humaniser des entités robotiques capables d’affronter les conditions terribles d’Helstrid. Des conditions qui vont rapidement rendre le voyage de Vic des plus délicats et le mettre dans une situation quasi-désespérée.
Cette novella de Christian Léourier adopte donc le point de vue d’un humain des plus ordinaires, Vic, qui doit affronter des circonstances extraordinaires. Son aventure se déroule en huit-clos presque parfait au sein du transport mécanique sensé le mener à bon port. Helstrid s’affirme dès les premières pages comme un voyage fascinant débordant de sense of wonder. Le lecteur rencontre un univers tourmenté où le vent et la neige se tirent la bourre et où l’homme seul n’a aucune chance. L’émerveillement procuré par le périple de Vic se trouve encore magnifié par la plume précise et concise de Léourier qui ne se contente pas que de dépeindre un monde extrême mais également de rendre compte du ressenti d’un homme devant l’immense et le terrible. Face aux conditions de vie à la surface, comment Vic peut-il même avoir la moindre chance ?
“Ceux qui s’effacent de votre vie conservent à jamais l’aspect qu’ils revêtaient au moment de leur disparition. L’usante banalité des jours ne vient jamais plus ternir leur image. Peut-être est-ce pour cela qu’ils n’en finissent pas de nous hanter.”
Je suis une légende
En réalité, on s’aperçoit rapidement que Vic n’a pas le moindre espoir de lutter contre les éléments. Ce tour de force, c’est son IA, Anne-Marie, qui le rend possible. Christian Léourier révèle l’obsolescence du biologique (et donc de l’homme) face à l’artificiel (et donc de la machine). Doucement, Helstrid nage en terre post-humaniste et constate que pour conquérir les étoiles, il faudra avant tout les capacités surhumaines d’IAs. Le problème laissé ici en suspense reste justement celui de l’émotion. Une IA pourra-t-elle représenter l’homme dans le cosmos et sur une planète étrangère si elle même n’est capable que de froids calculs et de fausse réassurance ? Le contact prolongé entre Vic et Anne-Marie s’intéresse donc aux possibilités offertes par cette interaction du biologique et du mécanique, du froid et de l’humain. L’homme peut-il apporter quelque chose à la machine ? L’amour de Vic pour Maï, qu’il a laissé derrière lui, se calque petit à petit sur Anne-Marie et, imperceptiblement, celle-ci change et devient unique à son tour. La peine peut-elle conduire la machine à s’humaniser ? L’amour deviendra-t-il un paramètre essentiel pour les IAs afin de comprendre l’humanité qu’elles seront amenés à relever ? La beauté du texte de Christian Léourier va au-delà de cette escapade dans un paysage surréel et mortel, elle se niche quelque part entre l’homme et la machine, entre le passé et le futur.
