Interview Jean-Laurent Del Socorro

L’artisan du vent et de la colère

Juste un mot
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19 min readSep 11, 2018

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Festival des Utopiales Nantes 2016

Critique de Boudicca de Jean-Laurent Del Socorro
Critique de Royaume de vent et de colères de Jean-Laurent Del Socorro

Vous êtes depuis peu écrivain dans l’Imaginaire. Pour ceux qui ne connaissent pas encore Jean-Laurent Del Socorro, qui êtes-vous ?

Je suis auteur effectivement depuis à peine quelques années. Ma première publication est une nouvelle au Bélial en numérique qui s’appelle La Mère des Mondes qui était dans le monde de Point Chauds de Laurent Genefort. Mon premier roman, Royaume de Vent et de Colères, est un royaume de fantasy historique pendant les guerres de religions qui est sorti chez ActuSF l’an dernier.

Première question un peu obligatoire : vous en êtes venu comment à l’écriture ?

L’écriture je vais dire, c’est arrivé sur le tard. C’était il y a 4–5 ans, j’ai commencé par vouloir m’essayer à l’écriture par les nouvelles, je pense que c’est un schéma assez classique en fait chez les auteurs, sur des appels à textes et donc la fameuse Mère des mondes publiée au Bélial en numérique — elle est gratuite et disponible sur le site (à cette adresse), si les gens veulent y jeter un œil — et à partir de là, j’ai voulu m’essayer au roman et j’ai pris 6 mois pour écrire et j’ai commis Royaume de vent et de colères qui a été retenu aux éditions ActuSF. Donc, ça a été un schéma assez naturel en fait. J’ai décidé il y a 4–5 ans, je me suis essayé à la nouvelle, quand j’ai vu que le style commençait à plaire, je me suis essayé à une forme un peu plus longue.

Pour le coup, c’était un peu une forme d’essai ?

Alors dans l’idéal, j’écrirai de la forme courte, j’écrirai de la nouvelle de science-fiction. Mais comme je dis souvent, la nouvelle en France c’est un genre malheureusement très peu commercial et la science-fiction, même si la forme de nouvelle y correspond bien, ce n’est pas toujours la forme la plus idéale. La fantasy se vend mieux que la science-fiction en France. Qui plus est, c’est bien plus dur d’écrire une nouvelle qu’un roman. Je pense que je ne suis pas trop mauvais en roman, je ne suis pas un bon nouvelliste c’est évident… La nouvelle est vraiment un art difficile.

Comment c’est fait le premier contact avec ce texte court avec le Bélial ?

C’est un appel à textes. J’avais besoin qu’on me redonne du cadre donc je regardais les appels à textes sur lesquels je pouvais répondre. Je suis un auteur à contraintes. Ce qui a été assez chouette là, c’est que par rapport à un corpus d’œuvre existant — Points Chauds — il fallait imaginer une œuvre qui était dans Points Chauds. Pour ceux qui ne connaissent pas, ce sont des portes qui s’ouvrent sur Terre dans un futur très proche, des aliens qui passent, et on est obligés de les recevoir, c’est cette problématique-là. Les humains peuvent aussi prendre ces portes pour aller explorer d’autres mondes. Points Chauds explique les aliens qui arrivent sur notre monde et la nouvelle demandait qu’est-ce qui passe si on emprunte une porte et que l’on va de l’autre côté ? Donc c’est comment respecter un corpus déjà existant et jouer avec les règles qui sont imposées pour y aller. Moi, ça m’avait beaucoup plu. A priori ça a plu au Bélial et à l’auteur, Laurent Genefort.

Donc la première fois, c’est un appel à texte. Après vous passez chez ActuSF…comment ça s’est fait ?

Le Bélial c’est un appel à textes sur un concours, ActuSF, là mon roman est plutôt de la fantasy historique. Je m’installe à Chambéry qui est la base où est située ActuSF, je rencontre Jérôme (aka Jérôme Vincent) pour d’autres raisons professionnelles et il se trouve que le manuscrit, c’est lui qui l’a quasiment deux jours après que je l’ai fini. Ça a été une proximité qui a fait qu’il m’a dit oui quinze jours après. Ça a été la proximité qui a joué en fait sinon j’aurai démarché d’autres éditeurs. Après c’est vrai que le Bélial a une politique d’auteurs qui est un peu plus installée en science-fiction, est-ce qu’ils auraient pris un jeune auteur de fantasy ? C’est le hasard de la vie…Mais maintenant je travaille aux éditions ActuSF alors que je ne suis pas de l’édition du tout.

Vous publiez votre premier roman, qui est un roman comme vous le disiez tout à l’heure de fantasy historique ? Pourquoi la fantasy avec l’Histoire ? Qu’est-ce que ça apporte en plus à votre récit qui aurait pu être purement historique ?

Il y a plusieurs choses que je revendique dans mes romans. La première : j’aime bien le cadre fort et utiliser le cadre historique pour parler de fantasy, ça permet un recul. Les guerres de religion, ce n’est pas juste un cadre pour moi, ça permet de mettre en avant mes thématiques. L’impact de la religion aujourd’hui c’est un euphémisme de dire qu’on est autant baigné dedans d’une première part. Ça donne un cadre d’écriture fort. Et pourquoi avoir rajouté de la fantasy ? Parce que je me revendique auteur de genres, je ne veux pas écrire des romans historiques, j’écris du roman d’imaginaire.

Ce qui permet de rebondir sur la question suivante : Pourquoi les genres spécialement ? Qu’est-ce qui vous fascine ?

Je dis souvent que je suis un auteur de fait parce que j’écris mais je suis un lecteur. Ce qui fait la force souvent d’un auteur c’est d’avoir été un lecteur…je suis toujours et d’abord un lecteur. Pas que de genres, j’adore le genre, l’imaginaire notamment — je lis aussi de la littérature blanche à la rentrée littéraire — et je le revendique en fait. En disant : c’est un style que j’aime bien, je veux le revendiquer, c’est là que j’ai des références, ce serait beaucoup plus compliqué d’être pertinent par exemple sur de l’historique où il y a des gens qui sont beaucoup plus pointus à ce niveau-là, ou sur les polars où j’ai moins les codes par exemple.

Donc par amour du genre. Le fait aussi que vous soyez plus à l’aise aussi parce que vous connaissez peut-être plus justement.

Complètement ! Mais je le revendique aussi parce que la question s’est posée sur l’historique mais je pense entre guillemets que j’aurais eu plus de facilités ou un autre public si j’avais démarché que sur l’historique, peut-être d’autres éditeurs ou des choses comme ça, mais non je voulais du genre. Pour moi, c’est important.

Pour ce premier roman, vous le situez dans la ville de Marseille qui devient un personnage à part entière presque dans le roman. Pourquoi ?

Alors c’est une question qu’on me pose à chaque fois et je ne saurais pas vraiment vous dire pourquoi. Je peux vous dire que j’ai habité trois ans Marseille, que je suis originaire du Sud, que j’aime beaucoup m’intéresser aux histoires des villes et je ne savais pas que Marseille avait été une république indépendante pendant les guerres des religions, je trouve que c’est un cadre fascinant pour un récit. Et je pense que c’est pour ça que je l’ai posé. Il y a le cadre de la révolte et de l’indépendance, de qu’est-ce qu’un état, qu’est-ce qu’un pouvoir, on aborde la religion, c’est un lieu de mixité sociale depuis toujours donc ça me permet aussi d’aborder les thèmes qui me sont chers. Je revendique des personnages qui sont arabes, noirs…moi je suis d’origine maghrébine et italienne à la fois donc voilà c’est important pour moi de revendiquer ça. Des personnages féminins qui ne soient pas juste des faire-valoir…Fin voilà ça permettait de défendre beaucoup de choses autour de ce récit, de ce cadre.

Dans votre histoire, votre aventure, on remarque que vous mêlez l’Histoire avec un grand H avec des petites histoires ce qui m’a fait personnellement pensé — et je l’ai pointé dans la critique — à une série télévisée qui utilisait le même procédé et y réussissait très bien, c’était Rome qui mêlait la grande Histoire et les petites histoires invérifiables avec un côté un peu intimiste…Pourquoi de votre côté mêler les deux, pourquoi ne pas de contenter soit des petites histoires soit de juste de la grande Histoire et puis un peu de tordre les personnages historiques ? Pourquoi avoir rajouté d’autres personnages et avoir jonglé comme ça entre les deux ?

Ah, c’est une excellente question !
La grande Histoire, ce qui est bien ça nous donne un cadre fort et comme je prends un moment singulier, ce n’est pas pour rien que je prends cette année-là, ce siège-là, symboliquement, historiquement c’est assez fort sur la fin des guerres de religions donc c’est pour ça que je veux garder le cadre historique réel. Premier point. Deuxième point, on peut être un écrivain d’histoire, on peut être un écrivain d’univers, on peut être un écrivain de personnages. Ouvertement, ce n’est pas le scénario qui va renouveler le genre puisque j’utilise quasiment le scénario historique, le cadre, il est historique, par contre moi ce qui me touche, ce sont les personnages en tant que lecteur. Ce que j’aime travailler en tant qu’écrivain c’est aussi les personnages. Donc je prends cette liberté-là de les créer ex-nihilo pour pouvoir les manipuler, en faire un petit peu ce que je veux et avoir plus de marge de manœuvre sur un personnage historique sur lequel j’aurais un carcan. Par contre, j’adore utiliser les personnages historiques en second plan.
Et pour rebondir sur Rome, c’est vrai que je n’avais pas fait le lien mais j’adore cette série et pour la petite anecdote…je travaille un peu comme eux parce que sur les deux personnages héros de la série dont j’ai oublié les noms, ce sont les deux seuls noms qui sont cités dans Les Mémoires de Gaules de Jules César et ce sont vraiment les deux noms qui ont récupéré la bannière de la légion donc pareil, ils ont utilisé des éléments historiques pour après les réinjecter dedans.

Vos personnages ont quand même un passé difficile le plus souvent…même un peu on va dire cruel pour certains…C’était important d’être aussi cruel , aussi difficile avec ces personnages pour vous, de faire quelque chose d’un peu noir quand même pour eux ?

Je sais pas…ah, on m’a jamais posé la question sous cet angle-là. Alors, ils ont des vies difficiles mais j’ai malgré tout une certaine bienveillance sur mes personnages…peut-être sauf les deux amants en fuite qui ont vraiment une vie où l’espoir est quand même très peu présent. Sur les autres, c’est des gens qui se relèvent, qui se battent jusqu’au bout, c’est des gens qui voient toujours la bouteille à moitié pleine. C’est vraiment des gens qui peuvent avoir été cassé mais qui se relèvent. C’est ça aussi que je voulais défendre aussi. Et oui, la vie et dure et…oui…peut-être que je suis un peu noir.

Je rebondis sur une des choses que vous m’avez dit auparavant et qu’on remarque aussi d’emblée dans le roman : il y a des très beaux personnages féminins. Donc marre de voir juste des hommes en fantasy ou alors il y avait d’autres choses derrière, d’autres messages à faire passer avec ces très beaux personnages féminins ? Quelle était votre envie en fait ?

Plus globalement, j’avais envie d’un réalisme fantasy, c’est peut-être pour ça aussi que je veux de l’historique. Je voulais des personnages féminins qui existent sans être ou des faire-valoir ou un peu malheureusement les archétypes sont des caricatures. On a Victoire qui est une chef d’entreprise avec ses problématiques, qui est montée, qui veut faire sa place dans un monde d’hommes, c’est des problématiques qu’on a dans nos sociétés aujourd’hui. Pareil pour Axelle qui est une femme qui pour des raisons personnelles obligée de se plier à certaines contraintes et sa vie ne lui convient pas. Voilà pour moi des thématiques qui sont fortes. Mais pareillement, il n’y a pas que ça. C’est-à-dire qu’hormis ces aspects de personnages de femmes fortes, de femmes réelles, je ne voulais pas non plus tomber dans les archétypes féminins ou masculins. J’ai une vieille personne avec le rôle de Gabriel qui est fatigué, qui n’est pas un jeune premier, c’est important pour moi aussi d’aborder cela…moi je revendique énormément la mixité sociale, une représentation de ce que je disais, de personnes originaires d’Afrique, des Noirs, des Arabes, vraiment toute cette mixité sociale, il y a des homosexuels, c’est important pour moi, c’est la société que l’on a aujourd’hui et je veux, à travers ce roman historique, même si je sais que c’est un peu biaisé parce que ça m’étonnerait qu’il y a ait une femme capitaine noire mercenaire au XVIème siècle mais c’est important de revendiquer ça. Je veux du réalisme et je veux que les gens d’aujourd’hui puissent s’identifier à mes héros.

C’est aussi historique qu’actuel dans le fond ?

Complètement, sur l’aspect social c’est ça que je revendique, c’est ça à mon avis qui est important. Il y en a qui font de l’épique très bien en fantasy avec des héros qui rutilent, moi j’adore ça…Non je pense qu’on peut se retrouver assez facilement et je pense qu’on oublie un personnage là-dedans, c’est le personnage de Gabin qui est la nouvelle qui termine le roman, moi j’y tiens énormément. Il aborde un sujet compliqué qui est celui de la violence infantile, la violence parentale mais sur un aspect un peu bienveillant.
Je veux — alors c’est très prétentieux — que les gens de la société d’aujourd’hui puissent s’identifier à travers cette fantasy quel que soit le lecteur.
Juste pour la petite anecdote comme quoi je vis dans un monde de bisounours. Sur ce roman-là, j’ai beaucoup de lectrices noires qui m’ont dit « Ah ben c’est chouette d’avoir une héroïne noire dans un roman » et naïvement je ne pensais pas que c’était aussi peu représenté même en France, je pensais que c’était plus présent. Enfin voilà, ça m’a surpris.

Bon, ça c’est une question dont on a déjà la réponse mais….comment ça s’est passé la réception critique du roman ?

Ben écoutez, j’ai été très agréablement surpris parce qu’il y a eu un peu un effet « poudre qui s’enflamme » et c’est vrai que j’ai eu plutôt des retours bienveillants sur les sites…et la belle surprise c’est le prix Elbakin.net.

J’allais y venir, justement avec une question double que j’aime bien poser aux gens qui reçoivent des prix c’est : quel effet ça vous a fait (parce que c’est pas toujours la même réponse) et ça a eu quoi comme influence pour l’écriture ?

Eh bien, j’a été ravi. En fait je suis un grand naïf, j’étais hyper content d’être nominé, globalement les titres qui sont nominés sont des bons titres donc c’est déjà énorme d’être nominé et j’ai été un peu surpris en fait de l’avoir, j’ai été ravi. Donc à titre personnel, c’est génial. Je pense que pour la suite ça a permis de rajouter une autre visibilité au roman et ça a rajouté un effet de pression. Je ne pensais pas qu’il y aurait cet accueil là sur le roman et finalement, sur mon deuxième roman, je vais avoir la pression du premier. Je suis allé sur un format d’écriture qui me convenait, quelque chose de très morcelé, à plusieurs voix, un roman choral, on savait pas qui j’étais donc il y a un effet de surprise que je ne peux pas avoir sur le suivant avec un effet d’attente du lectorat donc effectivement ça me rajoute surtout de la pression.

On dira « C’est Jean-Laurent, il faut qu’il assure comme dans le premier » !

Voilà c’est un peu ça !

by Happy-Mutt

Ce qui me permet d’ouvrir : vous préparez un deuxième roman ?

Oui, alors il est plus que préparé parce que j’ai une équipe de relecteurs, j’ai un gros processus sur l’écriture des romans, j’ai un premier jet, un groupe de relecteurs qui me fait des retours que je monte à chaque fois en fonction des thématiques. Là, ce sera sur le personnage de Boudicca, une reine Celte de l’an I, qui est une figure de résistance anglaise contre les Romains. C’est la vie et mort de ce personnage qui est assez fascinant, qui est une emblème en Angleterre, elle a sa statue à Londres. Un personnage pareil de femme forte. Je me suis rendu compte après en travaillant sur le personnage que c’était une figure assez forte du féminisme, ce que j’ignorais, mais pareil au sens politique du terme autour de ça. Je travaille avec un archéologue, Gwendal Gueguen pour ne pas le citer, j’espère que je n’écorche pas son nom, pour m’aider sur la cohérence historique puisque l’on a souvent sur cette période-là des textes Romains qui donnent un avis et j’avais besoin d’un terrain pour dire qu’elle était la réalité en fait. Donc ça c’est ce qui est en train de se préparer, ce sera toujours chez ActuSF pour le 20 avril, le titre n’est pas définitif mais ce sera donc à priori sur la reine Boudicca, ce sera un roman unique qui se terminera sur une nouvelle….par contre je ne voulais pas reprendre un roman choral, je ne voulais pas faire un Royaume bis, là on est sur un roman à la première personne de la naissance à la fin d’un personnage, sur un long cours.

Nouvelle forme ?

Nouvelle forme, nouveaux risques !

Et même si vous aviez déjà fait la nouvelle avec Gabin et que vous dites là que vous finirez aussi par une nouvelle, est-ce que dans le futur on peut espérer vous voir revenir à la nouvelle ? Est-ce qu’on peut espérer pourquoi pas dans le futur un recueil de nouvelle ?

Alors des nouvelles j’en écris toujours, c’est que j’ai moins le temps pour le faire mais si je met une nouvelle à la fin c’est aussi parce que je tiens à cette forme. Et, je le dis souvent parce que j’ai un planning plutôt chargé, je reviendrai quasiment sûr dans Royaume de vents et de colères à travers une forme qui sera de la nouvelle mais pas que, peut-être un roman court, une novella parce qu’il y a quelques personnages qui ont pris vie, je pense au personnage de Silas notamment sur lequel il faut que l’on revienne ne serait-ce que pour un baroud d’honneur !

Content d’apprendre qu’il y aura d’autres choses sur le même univers !
Une question que je pose à tous car le site est consacré non seulement à la littérature mais aussi au cinéma, aux séries, aux comics….est-ce que dans tous ces domaines-là vous des coups de cœurs ?

Moi je suis un grand fan de Ken Liu donc L’homme qui mit fin à l’Histoire au Bélial c’est une tuerie si vous voulez commencer pour découvrir Ken Liu, une novella magnifique. On parlait que la nouvelle était dure, je pense que je n’ai jamais vu un nouvelliste avec autant de talent et d’humilité. L’homme qui mit fin à l’Histoire au Bélial, c’est une tuerie ! Voilà pour le premier. Au cinéma j’ai pas eu de gros coup de cœurs, je suis un Marvel-fan mais voilà… Je suis allé voir le Dr Strange mais non pas de coup de cœur récent. Sur l’aspect des comics, je viens de finir — ce n’est pas une nouveauté — les Civil War qui ont été réédité chez Marvel, c’est une tuerie. Si vous connaissez pas, laissez-vous tenter par Civil War même en ne connaissant pas Marvel, c’est brillant en terme de scénario et de montage.

Et vous regardez des séries ?

Des séries, oui ! Alors j’ai pas encore attaqué la saison 3 de Netflix mais je suis un grand fan de Black Mirror et je pense que ce sera parfait.

Merci pour l’entretien. Pour le mot de la fin, pour les jeunes écrivains qui pourraient nous lire, nous écouter, un mot pour eux, un conseil ?

Un qui me semble vital mais qui n’engage que moi. On ne peut pas être un écrivain si on n’est pas d’abord un lecteur donc soyez un lecteur et vous pourrez être un écrivain !

BONUS : INTERVIEW consacrée à BOUDDICA

Bonjour Jean-Laurent, vous êtes l’auteur de Royaume de Vent et de Colères aux éditions ActuSF, roman de fantasy historique couronné par le prix Elbakin.net. Après un tel succès, comment aborde-t-on l’écriture d’un second roman ?

Avec une certaine fébrilité. J’ai été aux anges quand j’ai appris que j’avais remporté le prix Elbakin.net. Je lui dois une partie du succès de Royaume de Vent et de Colères. Mais cette mise en lumière est à double tranchant. Cela m’a mis la pression pour l’écriture de mon second roman. Heureusement, je suis bien entouré. Le fait que j’ai reçu une bourse d’écriture pour Boudicca du Conseil régional et de la DRAC Auvergne Rhône-Alpes m’a fait gagner en confiance également.

Vous passez de Marseille et son XVIème siècle à l’Angleterre de l’an 1. Pourquoi cette époque en particulier ? Qu’est-ce qui vous a fasciné dans le personnage historique de la reine Boudicca ?

Parce que je suis très attaché à mettre des héroïnes en avant, et parce que Boudicca est un personnage historique autant qu’une légende ! Une reine, une politique, une militaire… Une personnalité telle que sa révolte a fait trembler Rome et que ses historiens l’ont citée dans leurs mémoires. Je voulais rendre hommage à cette femme méconnue en France, alors qu’elle est une légende en Angleterre.

Après un roman choral, vous adoptez une narration unique en plongeant dans l’esprit de Boudicca, pourquoi ce changement ?

C’était une nécessité dans mon parcours d’écrivain. Royaume de vent et de colères avait une construction particulière : un récit à plusieurs personnages, très rythmé. Je ne pouvais pas prendre le risque de refaire ce même montage, cela aurait donné une impression de réchauffé.

Je voulais m’essayer à un roman à une seule voix, sans fioritures, sans effets excessifs. Ce n’est pas du tout la forme dans laquelle j’écris spontanément un roman, mais je devais me faire violence, pour faire évoluer mon écriture.

Visiblement, vous vous refusez au roman long et vous ajoutez de nouveau une nouvelle en fin d’ouvrage. Les longues séries ou les pavés, ce n’est pas pour vous ?

J’écris court parce que je suis un feignant qui fait le minimum… ! :-)
Sans rire, je suis parfois un peu lassé en tant que lecteur des pavés où je me dis « avec cent ou cent cinquante pages de moins, ce serait encore mieux ». J’ai l’impression qu’on a délayé ma lecture.
Aussi, quand j’écris, je veux éviter les passages inutiles. Mes premiers jets sont assez longs… Puis entre mes relecteurs et moi-même, nous coupons pas mal et il ne reste que l’essentiel du récit. Les chroniqueurs disent parfois que « j’écris sans gras », et cela me correspond assez en effet. Il va falloir maintenant que j’apprenne peu à peu à faire épaissir mon texte avec quelques pages de muscles…

Il existe apparemment peu de sources quant à l’histoire de la reine Boudicca, comment avez-vous préparé votre travail romanesque ? Plutôt Tacite que Cassius ?

Un peu des deux. Mais je me suis surtout appuyé sur les textes d’historiens, notamment l’excellent Boudicca : The Warrior Queen de M. J. et Taliesin TROW. Ce sont des archéologues spécialistes de l’histoire de cette reine celte, dont les recherches et les hypothèses m’ont permis de retracer une histoire cohérente de Boudicca. J’ai complété ce travail par d’autres lectures (dont je cite une partie en fin de mon roman) ainsi que par des documentaires.

Boudicca, hymne à la liberté, appel à la révolte ou tout cela à la fois ? Quels liens entretient votre roman avec l’actualité ?

C’est d’abord le récit d’une femme qui cherche à être libre. Qui est cette femme qui va faire trembler Rome ? Et comment devient-t-on un symbole de révolte ? Ces réflexions s’adressent à moi autant qu’aux lecteurs car je n’ai pas la réponse. Forcément, en cette période, cela fait écho, notamment en politique.
Mais je ne juge pas. Je vous pose simplement la question… ;-)

Vous mettez de nouveau en avant un personnage féminin dans Boudicca. Vous êtes un féministe décidément Jean-Laurent ?

Mettre un personnage féminin en avant, c’est essentiel pour moi — comme évoquer l’homosexualité ou les origines ethniques de mes personnages. Mes romans sont ancrés dans l’histoire, mais je veux qu’ils parlent aux gens d’aujourd’hui. J’en ai assez du héros blanc hétéro de quarante ans. Je ne sais pas si être féministe, c’est ça. En tout cas je revendique la diversité dans les personnages que je mets en scène.

L’aspect fantasy est encore plus ténu avec Boudicca qu’avec Royaume de Vent et de Colères. Pourquoi ne pas avoir écrit un roman historique pur et dur ?

Boudicca est un roman historique. Si dans Royaume de vent et de colères, la magie était encore explicite, dans mon nouveau roman elle est encore plus suggérée. Elle n’est pas démonstrative, on peut même en douter. C’est la croyance des personnes qui la rend réelle à leurs yeux.

La question d’historique ou fantasy n’est pas vraiment importante selon moi. J’écris une biographie romancée d’une personnalité historique d’exception. C’est ça le cœur du récit.

En fin de roman intervient un surprenant personnage de druide avec un regard plus incisif sur le dogme religieux. Quel est votre but en faisant intervenir ce personnage ?

Le personnage de Cenios a une double fonction. La première, au moment où il apparait, est de briser le rythme du récit qui est de plus en plus sombre. La seconde, est mon attachement aux personnages drôles / cyniques comme peut l’être Silas dans Royaume de vent et de colères.

À travers ce personnage qui peut prêter à rire, je peux aborder et critiquer avec du recul des thématiques comme la religion. Comme Silas, Cenios est un personnage qui divisent les lecteurs : certains l’adorent, d’autres ne l’apprécient pas. Et comme Silas, il ne laisse personne indifférent.

La nouvelle qui clôt Boudicca s’intéresse à la fameuse Tea Party de Boston et partage bien des thématiques avec votre roman. Que nous réservez-vous pour cet univers américain à venir et cette nouvelle époque ?

Je prépare un roman avec plusieurs personnages qui nous feront traverser la guerre civile américaine du premier coup de feu jusqu’au premier fusil rendu. Pour aborder un sujet aussi vaste et complexe, il me fallait cette multitude de points de vue, et je ne saurais pas vous dire combien il y en aura à la fin. Je veux faire une fresque mais en un seul volume, comme mes précédents romans. Il y aura du fantastique dans le récit à travers l’un des personnages du récit, mais je ne peux pas en dire plus pour l’instant.

Quand à thématiques abordées, ce sera bien entendu la lutte contra l’esclavage et contre le racisme… et la raison qui nous pousse à prendre les armes pour défendre nos valeurs.

Finalement, Boudicca n’est pas si loin…. ;-)

Critique de Boudicca de Jean-Laurent Del Socorro
Critique de Royaume de vent et de colères de Jean-Laurent Del Socorro

Tous mes remerciements à Jean-Laurent Del Socorro et à l’aide des organisateurs du Festival.

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