
Isabel des feuilles mortes
Même le plus petit geste peut changer le monde
Éditions du Bélial’, Collection Une Heure-Lumière, 38 pages
Traduit par Michelle Charrier
Renouvelant l’opération de l’année dernière, les éditions du Bélial’ offrent à nouveau un Hors-Série de la Collection Une Heure-Lumière à ses plus fidèles lecteurs pour l’achat de deux ouvrages de ladite collection.
Après Ken Liu l’année dernière, c’est au tour du britannique Ian R. McLeod d’être mis à l’honneur avec une nouvelle inédite : Isabel des feuilles mortes (en VO : Isabel of the fall) qui s’intègre dans le cycle des Dix Mille et Un Mondes dont faisait déjà parti le magnifique Poumon Vert.
« Il était une fois évidemment très très reculée une jeune fille du nom d’Isabel. »
À Gezira, la mégalopole insulaire au carrefour des Dix Mille et Un Mondes, la guerre du Lys a laissé bien des cicatrices. Pour capter la lumière de son étoile, Sabil, Gezira utilise un système complexe de miroirs et de minarets régit par l’Église de l’Aube dont fait partie la jeune et banale Isabel, rescapée des combats et survivante que rien ne destinait à un destin autre qu’ordinaire.
Choisie pour devenir l’une des Chanteuses de l’Aube de l’île de Jerita, la jeune femme commet pourtant l’irréparable. Lors de son intronisation au sein de l’ordre, elle plisse les yeux et garde la vue.
Comme chacun le sait, les Chanteuses de l’Aube, ces prêtresses attachées à des crucifix géants au sommet de minarets et qui chantent la venue des rayons de Sabil sur les îles de Gezira, sont aveugles. Privée de la vue, elles ne peuvent alors percevoir la terre qui s’étend sous leurs pieds du haut de leurs minarets.
Ce qui n’est pas le cas d’Isabel qui se rend compte, justement, qu’un des miroirs réflecteurs de son minaret, le miroir numéro 28, est défaillant.
Dans la pénombre laissée par cette perturbation optique, Isabel aperçoit une danseuse aux mouvements envoûtants et poétiques : Genya de la Cathédrale du Mot, une Église rivale de la sienne et qui se charge de conserver le savoir des Dix Mille et Un Mondes. Bravant les interdits, les deux jeunes femmes deviennent amies puis confidentes. Et de cette entorse au règlement va naître le bouleversement de tout un peuple.
Rien que ce court résumé laissera songeur plus d’un lecteur passant par ici.
L’imagination d’Ian R. McLeod alliée à sa langue poétique (et à la merveilleuse traduction de Michelle Charrier) et aux enseignements de ce récit poignant, humaniste et sublime jusqu’à la dernière virgule font d’Isabel aux feuilles mortes un chef d’oeuvre instantané du genre.
Ici, l’auteur de L’Âge des Lumières déroule le génie complet de son imagination qui mélange à parts égales le conte et la science-fiction en introduisant la poésie de Poumon Vert pour accoucher d’un récit brillant sur la capacité d’une personne, même la plus insignifiante et banale, à transcender le monde qui l’entoure.
Mais le texte n’est pas que cela, c’est aussi un formidable melting-pot de sense-of-wonder où l’on découvre une cité éclairée par des femmes attachées à des crucifix et qui chantent la venue du soleil, où l’on explore une Bibliothèque Infinie dont les Gardiennes lisent par le bout des doigts des bosquets de fleurs, des rubans et interprètent la danse des abeilles, où les châtiments peuvent devenir d’atroces perversions de dons ambigus offerts à l’origine pour illuminer le reste du monde.
C’est aussi une histoire d’amour sans le moindre baiser mais où la rencontre intellectuelle devient plus belle que la plus fougueuse scène d’enlacement. Entre deux femmes sublimées par leurs dons et leur ouverture, par leur envie de connaitre l’ombre et les hauteurs.
Isabel des feuilles mortes c’est tout cela et bien davantage encore…
