La Horde du Contrevent

Goinfrez les coins !

Nicolas Winter
Juste un mot
Published in
10 min readAug 31, 2018

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Éditions La Volte, 521 pages

Grand Prix de l’Imaginaire 2006
Pour comprendre la lecture qui suit :

¿’ Hey…Oh, Salutations à vous autres, vents jouvenceaux que j’attendais depuis tant de temps dans le tempo des vents. Que je vous accueille par delà écueils et rafales, pour vous esquisser et vous peindre tout de corps, vous flanquer de mots pour partir à l’Extrême-Amont avec nous, les vents-rocs, la foudre qui marche, celle que l’on dénomme Horde. La 34ème mon seigneur — La Horde du Contrevent, celle qui se joue des furvents,des chrones, antechrones et psychrones. Certains diront que nous sommes nés sous la plume divine d’un seigneur de l’aval et que l’écho rapporte son nom glissé dans les rafales. Damasio, un écrivain de nos vifs, un tailleur de visages, dont La Volte a permis l’œuvre et la poursuite. Mais laissez-moi vous clamer, devant le large, par les vents laminaires qui fouettent mes mots, que nous sommes nés du vent en réalité. 23 sobres fous qui contrent, remontent et affrontent les vagues de l’extrême-amont. Lâchés sur cette bande de pierres et de terre, Ô mère des abrités et des jeunes tresseurs de vitesses, nous controns par vent et par crivetz pour atteindre notre Eden doré, promis et supplié, appelé et redouté: cet Extrême-Amont qui de votre curiosité attise mes convoitises. Et tandis que je déclame, hâtez-vous de vous attabler à notre festin d’air, contre les neiges montagneuses ou dans l’eau joueuse, venez, suivez jeunes camarades. Participez à la charade de Caracal, Caracole qui vous décolle, vous déporte et vous emporte. Laissez-les se présenter ces fous fiévreux qui font Fer et Pack, au milieu de la steppe en grandes avancées et en menus plaisirs. Mais voici que s’approche notre Sov, qui vient me dérober ma parole. Ne pliez pas amateurs de bourrasques, admirateurs de chrones, voici notre joueur de mots, notre historien des tempêtes. Sov qui peut !

) Il a donc déjà révélé mon nom, mais pas en entier…Rien d’étonnant, il reste toujours notre troubadour ce sacré Caracole, un orchestre de plaisanteries et de tours à lui seul. Je suis Sov Sevcenko Strochnis, scribe de la 34ème Horde. La dernière selon certains. Et malgré mes doutes devant certaines épreuves, vu l’assemblée qui nous compose, j’ai tendance à croire que l’on pourrait le toucher et le goûter cet Extrême-Amont dont on rêve depuis si longtemps. Si vent le veut, notre traçeur, notre Tracteur, le Golgoth, 9ème de son nom, fort et têtu comme un gorce, antipathique mais pourtant décisif, nous guidera vers notre but à tous. Ce sont ces sacrées personnalités qui font de cette Horde la meilleure. Lorsque je vois là autour de notre campement Caracole, notre fin limier des farces et histoires, jongleur de mots et joyeux fou contant à Oroshi — la fine aéromaïtresse qui connaît les vents telle une aerudite et à notre noble prince Pietro della Rocca — altruiste et diplomate, prestigieux de pied en cap — je crois que nous ne sommes que des rêveurs à l’ombre du cosmos. Assemblés sous mes yeux, tant de vifs aventuriers du contre protégés par notre foudre combattante, Erg Machaon au langage bien abrupt mais moins tout de même que celui qu’emploie notre meneur le Golgoth…Si le jeune éclaireur Arval a du mal parfois à faire naître des phrases, il n’a pas son pareil pour sentir les traces. 23, oui nous sommes 23, et je ne vais pas tous vous les présenter ici en ces quelques lignes, la surprise de la rencontre en serait amoindrie. Depuis que nous sommes partis D’Aberlaas, en Extrême-Aval, nous controns les rafales, les bourrasques, les vents et les slaminos. Croyez bien que nous en avons vu en ces années du pays. Sur cette terre étonnante qui est la nôtre, rare n’est pas la rencontre avec des Fréoles et leurs merveilles de technologie, toutes d’éoliennes et d’hélices, écumeurs des vents et voyageurs invétérés. Mais des Obliques aussi, pirates et nomades qui nous ont parfois cherchés bataille. Sans oublier ces dizaines de villages d’abrités, trouvant refuge face au vent qui ,nous autres, nous façonne…Pas le temps de s’ennuyer ici bas. Il y a d’autres choses à déclamer…

Ouiais Sov, parles-leur des Muages là-haut dans le ciel, où on ne peut que les deviner. Racontes-leur ma chasse au milieu des steppes pour attraper des méduses de plein air ou bien celle de L’autoursier et du Fauconnier. Et t’oublies les Gorces que l’on a croisé tantôt …

<> Je ne voudrais pas t’interrompre aussi Sov, mais tu oublies les plantes et nos forêts linéaires…Mais bon je ne suis qu’une cueilleuse, je ne pense pas qu’ils en aient quelque chose à faire !

) Bien sûr, ils ont raison, j’oublie, c’est impardonnable pour un scribe. Mais ma tâche c’est surtout notre carnet de contre, celui qui dira aux suivants nos exploits mais aussi nos enseignements de hordiers. En notant les vents, grâce à notre cryptage qui utilise la ponctuation comme un système de description. Et pour qui sait le déchiffrer, on y devinera des turbules par des ‘ quand elles sont bien agités ou : pour un grain. On y sent le vent et ses variations, on le déchiffre, on le ressent…Mais dois-je avouer, non par prétention mais par véracité, que l’on ressent bien mieux le vent au décours de notre histoire et de notre périple ? Je ne pense pas que mes maîtres l’apprécieraient cette assertion…Mais qu’importe, vous seuls le saurez…

Bah, c’est bon, quel espèce d’abrité celui-là. Qu’est ce qu’on s’en cogne le groin de son système de notation à la mord moi l’vent!! Moi, j’vais vous imprimer ça sur vos carcasses molasses les p’tits contreurs. L’important ici, c’est bien ce qui nous culbute, ce blaast que j’domine à coup d’épaule et de poitrail. Je fais valser ces rafales pour marmots. J’y vais à la cognée et sans réfléchir. Tout ce que j’veux c’est qu’il ne caquète pas sur toutes ces conneries là, j’veux qu’on se fourre dans le trognon que la 34 c’est la dernière. C’est mon groin qui va aller racler l’extrême-amont. C’est physique, et j’veux bien que celui qui lira, celui-là il contre avec nous, avec ses tripailles, que vous autres abricots vous pigez que notre quête c’est aussi la votre. Ouep vous ne pourrez pas palper du furvent mais vous allez l’sentir dans vos os ramollis par vos bicoques. Croyez-moi, ça va vous secouez ce truc qu’il écrit, de nous suivre, le vent en pleine tronche grâce aux pages de notre scribouillard. Mais à quoi bon vous racontez ? Vous verrez…Ca va charcler et c’est tout !!

Il a toujours du tact mon bon vieux Golgoth. C’est sa façon à lui de vous dire qu’on veut laisser une trace. Qu’on veut vous donnez plus qu’une suite de mots formant une aventure. On veut marquer et rester. Vous parler de liberté et de ne jamais se laisser enfermer qu’on soit racleurs exploités par les Tourangeaux D’Alticcio ou de simples contreurs face au dogme de L’Hordre. De courage et d’aller de l’avant. D’avoir un idéal et de le tenir, contre et envers tout. De vous donner à réfléchir et pas simplement vous balader. Certains parlent de philosophie où je parlerais d’enseignements, mais c’est comme avec un veramorphe, chacun y verra sa vérité. C’est une belle histoire que ce contre, cette Horde que l’on forme, noués au tripes et aux corps, soudés en plein vent. On avance et on ne recule pas, le but, L’extrême-amont, c’est notre récompense. On pense tous savoir ce qu’on trouvera là-bas, un jardin immense ou les premiers Hordiers; des dieux qui soufflent ou un orchestre qui détonne. La vérité, c’est qu’on l’on ne saura que là-bas, au-delà de l’enfer montagneux et cotonneux de Norska. Par delà la Flaque et Alticcio. Ces endroits bigarrés et étonnants qui nous prennent et nous forgent. On nous modèle, on se modèle au cœur des rafalants. Il doit penser ça notre Goth, mais c’est une tête de pioche. Tout ce qui l’intéresse lui c’est le contre. Nous autres, nous le savons au plus profond de nous, imbriqués dans nos vifs, ce que l’on cherche c’est plus que du contre, c’est plus que les neuf formes du vent, c’est plus que l’Extrême-Amont: c’est notre réalité, la chair de nos êtres mis à vifs, nous révélant à la vue de tous, et de nous-mêmes…Accomplir nos buts intimes, inavoués et par le carnet de Sov, par notre Horde du Contrevent vous interroger, vous autres les planqués : Qui êtes-vous ?

Χ C’est sûr que tout cela reste spirituel autant que physique. On espère tous en soi que Sov, en nous écrivant, en nous liant, vous fasse mûrir. Parfois vous pourriez être déçus, vous auriez peut-être raison. Votre soif de connaître ces mystères surnaturels venus des tréfonds du vent, ces chrones, définis en tant de catégories comme ces chrones convertisseurs d’animal en végétal qui vous recrachent du bois en avalant un gorce. Vous voudriez en savoir tellement plus sur notre monde, vous qui n’y avez pas voyagé, habitants des villages et des tours. Mais le mystère n’en est plus un si tout s’explique. Nous autres, aéromaîtres et aéromaîtresses, nous efforçont de les comprendre ces formes de vents et ces chrones. Peut-être un jour…Mais en attendant, ce récit vous le trouverez trop court, emportés et chahutés par la tempêtes de mots et d’imagination de notre bon seigneur des furvents. Mais est-ce vraiment un grief? Doutez-en !

)- Pas comprendre les reproches. Ecrit quand même vachement bien eux tous. Toujours dispersé et éclaté leur histoire. Mais trouve ça très couillu. Y’en a souvent qui disent que c’est trop. Mais moi, Eclaireur qui pose les gonfalons, j’aime.

Δ C’est vrai qu’il n’a pas tort le môme. C’est vachement bien écrit son travail de scribe, à l’autre. Et au lieu de se foutre de ce travail, Golgoth et les malventilés devraient faire aussi bien. Evidemment, t’as plein de mots que je ne capte pas moi, des néo j’sais quoi qui dit Sov. Des mots inventés en gros. Mais ça donne une sacrée bouffée d’air, pas b’soin de rafales dans la gueule pour le comprendre, suffit de se laisser porter.Devant les histoires et joutes de notre troubadoour, tu ne mouftes pas, ça donne du respect ! Ah saletés d’Obliques, en v’la encore qui s’approchent. J’vais leur souffler dans les bronches moi. Allez macaque, sur tes appuis, hisse ton aile et chausse tes hélices. On va protéger comme Te Jerkka te l’a appris.

¿’ Et voilà ! Parti, messeigneurs, jouer avec les valeureux malheureux qui jouent à qui mieux-mieux ! Applaudissez foudreusement Erg le combattant ! Et Moi qui doit vous abandonner dans l’étoffe des vents, mais n’ayez craintes, on viendra se réapprivoiser quand vous l’aurez en main cette histoire de lutteurs de blaast et d’épailleurs de destin, avec sa musique du sacré aéromancien Arno Alyvan ou sur les toiles aux multiples facettes qui hébergent esquisses et portraits (http://www.lahordeducontrevent.org/) Mais ça c’est une autre ritournelle les cocos. Allez comme dira le Goth, « Goinfrez les coins vous autres » ! Bon vent !

) Espérant vous avoir convaincu que la noblesse de notre quête, que mon style et ma plume mise à votre service, que nos compagnons faits de couleurs et de saveurs vous mèneront bien au-delà de l’extrême-amont. J’espère vous y revoir, cœur de Fréoles ou d’Abrités, aspirants au contre ou admirateurs de glyphes, venez-nous épauler, nous suivre du regard et apprécier notre valeur. Car nous sommes la 34ème Horde, La Horde du Contrevent, et nous irons au bout !

Note : 10/10

« A l’origine fut la vitesse, le pur mouvement furtif, le « vent-foudre ». Puis le cosmos décéléra, prit consistance et forme, jusqu’aux lenteurs habitables, jusqu’au vivant, jusqu’à vous. Bienvenue à toi, lent homme lié, poussif tresseur des vitesses. »

Bonus critique de la musique accompagnant l’édition grand format de La Volte :

La Horde du Contrevent fut l’occasion d’introduire sur le marché français la notion de bande originale de livre. La maison d’édition La Volte a ainsi marié la plume d’Alain Damasio avec la musique de Arno Alyvan, musicien et compositeur français.
Le principal défaut de cette entreprise est bien entendu de faire grimper le prix du livre. Il reste donc à savoir ce qu’apporte cet album à la Horde.

Composée de 20 pistes aux sonorités des plus éclectiques, la partition d’Arno Alyvan permet d’abord de prolonger cette expérience de lecture que représente le livre d’Alain Damasio. Il parsème ses morceaux de quelques phrases tirées du livre, permettant de lier le lecteur à la musique et celà dès les premières pistes avec L’étoffe dont sont tissés les vents qui reprend les premières lignes de l’ouvrage donnant voix à Sov mais aussi au Vent. Si le second, Tresseur des vitesses, poursuit ce phrasé, il en devient musique véritable avec l’apparition de quelques instruments formant une sonorité qu’on imagine très bien s’adapter à la Horde en marche. Et le rythme musical varie ainsi, suivant les errances de la Horde à travers les Contrevents, Pas de Trace ou encore Norska.

Des voix viennent pourtant s’ajouter et former des chants au travers de quelques morceaux dont on retiendras surtout les chœurs joyeux de Camp Boban ou ceux, plus énigmatiques d’Alticcio. Ce sont également parfois des morceaux rythmés uniquement par la lecture de phrases, reprises ou non du livre et qui viennent rappeler de quel monde provient cette mélopée., on citera pêle-mêle le trio Le cosmos… ,…est…, …mon campement ou encore Ne dites jamais fontaine (un morceau malheureusement fort peu réussis puisque bien trop répétitif !). Si le CD reprend donc le parcours de la Horde, il semble plus que judicieux de l’écouter après la lecture du livre, par soucis de ne pas se gâcher certaines surprises mais aussi de pouvoir, à posteriori, revivre les grands moments de l’histoire. Malheureusement, il faut avouer que certaines pistes, comme dit plus haut pour Ne dites jamais Fontaine, sont mal choisies voir inutiles telle que la Minute de Silence…

Finissons cette courte critique en disant que Caracole, déjà hautement charismatique dans le roman, intervient énormément dans cette partition au travers de plusieurs morceaux dont Cappizzano. Celui-ci est simplement le sommet de l’album puisqu’il met en musique la fameuse joute verbale du troubadour et de Sylène à Alticcio. Avec un rythme que l’on attendait pas, des voix très bien trouvées, Cappizzano s’écoute et de réécoute pendant longtemps.

Existe en version poche chez Folio SF :

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