Lamb

Agneau cathartique à l’Islandaise

Nicolas Winter
Juste un mot
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4 min readJan 2, 2022

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Véritable succès en festival, notamment dans la sélection d’Un Certain Regard à Cannes, Lamb n’a laissé personne indifférent.
Pour son premier long-métrage, l’Islandais Valdimar Jóhannsson nous plonge dans une histoire fantastique divisée en trois chapitres dans une ferme à l’écart du monde et bien loin de Reykjavík.
Avec la revenante Noomi Rapace en tête d’affiche et son postulat pour le moins farfelu, Lamb a tout pour intriguer le spectateur…

Le long-métrage de Valdimar Jóhannsson s’ouvre sur une séquence silencieuse par ce qui ressemble à une profonde nuit d’hiver vécue à travers les yeux d’un être que l’on devine à peine humain. Quelques bêlements de moutons plus tard, la lumière du jour emplit l’écran et l’on fait la connaissance du couple qui gère cette petite ferme loin de tout.
Maria et Ingvar travaillent dur pour entretenir l’endroit et gérer leurs bêtes mais il suffit de quelques mots au détour d’un repas taiseux pour comprendre que quelque chose blesse ce couple ordinaire.
Valdimar Jóhannsson prend son temps pour installer son intrigue et mise davantage sur le contemplatif que sur l’esbrouffe. Lamb n’est pas là pour être un film horrifique mais un authentique récit fantastique avec un sous-texte intimiste poignant et difficile.
Après quelques scènes de vêlage, l’élément surnaturel arrive avec ce dernier agneau qui provoque la stupéfaction des deux éleveurs. Hors champ et en camouflant longuement la vérité, Valdimar Jóhannsson tente de distiller le doute dans le cœur du spectateur : pourquoi envelopper cet agneau-là dans une couverture et le nourrir au biberon plutôt qu’un autre ?
Bientôt, la terrible et grotesque vérité éclate : l’agneau n’est qu’à moitié bête tandis que le reste du corps est humain ! De quoi laisser perplexe jusqu’à ce que l’on comprenne ce qui est à l’œuvre ici.

Lamb utilise le fantastique pour parler d’un drame humain : le deuil…et pas n’importe lequel, le deuil d’un enfant.
Avec l’arrivée de cette étrange créature au sein du foyer, quelque chose semble se débloquer dans l’esprit de Maria et d’Ingvar, comme une seconde chance à mi-chemin entre le biblique et le païen. Serait-ce la réponse à tant de chagrin inavoué ?
Au fur et à mesure, Lamb profite de ce nouveau visiteur pour montrer la reconstruction d’un bonheur abstrait autour d’un enfant qui n’en est pas un. Valdimar Jóhannsson montre le chagrin d’une mère et le danger de la substitution quand elle confine à la folie, allant jusqu’à tuer la vraie « mère » de cet hybride pour nier le réel. Noomi Rapace, impressionnante, refuse de bout en bout la réalité et recompose sa vie avec ce qu’elle peut, c’est-à-dire une illusion. Une illusion que perturbe l’arrivée d’un acteur extérieur, le frère d’Ingvar. Mais comme toutes les folies, celle-ci est contagieuse.
On observe le même genre de situation malsaine que dans la série The Servant mais point de poupon qui revient à la vie ici mais un savant mélange de drame humain et de fantastique que l’on devine tiré des contes et légendes islandaises.
Profitant à fond des décors naturels grandioses de l’île tout en appuyant sur l’insignifiance de l’être humain face à une nature impitoyable, Lamb finit pourtant à la fois cruellement et trop abruptement, comme si Valdimar Jóhannsson lui-même n’avait pas d’idée solide pour conclure ce drame intimiste qui flirte constamment avec l’absurde.
Qu’à cela ne tienne, Lamb reste une proposition fantastique intéressante et qui mérite bien le coup d’œil.

Malgré une fin décevante, Lamb se révèle une curiosité à découvrir.
Entre fantastique et drame intimiste, le film de Valdimar Jóhannsson profite à fond de son actrice principale et de ses décors magnifiques pour mêler créature mythologique et fantômes humains.

Note : 8/10

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