Les Gardiens de la Galaxie

Awesome mix !

Nicolas Winter
Juste un mot
Published in
7 min readApr 29, 2018

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Marvel Studio tente un coup de poker. Pourquoi ? Parce qu’en plus de baser son film de l’été sur un comic book peu connu du grand public (Les Gardiens de la Galaxie), ils le confient à un réalisateur que seuls les aficionados de films de genre connaîtront : James Gunn. Issu de l’école Trauma (Troméo et Juliette), Gunn a déjà frappé fort avec deux films de série B référencés et extrêmement sympathiques. D’un côté le truculent Slither (ou Horribilis si vous préférez), film d’horreur jouissif et bien crade, de l’autre Super, sorte de Kick-ass déglingué où même Ellen Page se lâche. En confiant les rênes d’un des plus gros blockbusters du Marvel Cinema Universe à Gunn, Marvel Studio prend un risque. Mais vu le potentiel du bonhomme et de la franchise (qui ouvrirait la voie à toutes sortes de délires spatiaux si le succès est au rendez-vous), Les Gardiens de la Galaxie part franchement gagnant. Serrez votre ceinture !

Fonder un film entièrement sur les Gardiens de la Galaxie ? Franchement ? Marvel a osé. Loin d’être aussi connu que Captain America et autre Spiderman, la joyeuse équipe se compose de 5 membres atypiques : Star-Lord, aka Peter Quill, un terrien enlevé sur Terre par une bande de mercenaires intergalactiques alors qu’il était enfant ; Gomorra, la « fille » de Thanos, modifiée pour tuer ; Drax le Destructeur, un dangereux psychopathe dont la famille a été tuée par Ronan ; Rocket Raccoon, un raton-laveur hors-la-loi qui a du mordant et Groot, son garde du corps végétal au vocabulaire… limité. Et voilà que cette joyeuse équipe se voit contrainte par la force des choses à protéger la galaxie de Ronan, le séide de Thanos, qui cherche un objet bien particulier pour anéantir ses ennemis de Nova Prime : L’Orbe.

James Gunn se trouve devant une sacrée tâche, celle de constituer une équipe de super-héros, de les caractériser chacun leur tour tout en maintenant une intrigue de fond intergalactique. Et contre toute attente devant l’ampleur de la chose, Gunn fait des merveilles. Il commence logiquement par une petite introduction pour nous présenter le jeune Peter Quill et planter le décor. Au lieu d’en mettre directement plein la vue, il choisit de tisser le premier fil de son intrigue, à savoir l’humanité du futur Star-Lord. Puis vient le désormais traditionnel logo Marvel et les choses sérieuses commencent. Dans la première partie de son long-métrage, Gunn nous envoie au milieu d’un conflit intergalactique entre Krees et Xandar, mêlant Thanos, Ronan et une petite foule de personnages entrevus auparavant dans les autres Marvel (et notamment certaines scènes post-génériques). Ce qui laisse immédiatement pantois, c’est avec quelle facilité déconcertante Gunn est capable de construire un univers foisonnant sans perdre le spectateur un instant, même le plus novice. On navigue entre les factions et les races sans se perdre et, plus important, il accomplit un tour de force sur ses cinq héros.

Le cœur des Gardiens de la Galaxie, c’est bien sûr cette sorte d’équipe Avengers de l’espace. Mais loin de livrer un bête copier-coller science-fictif, Gunn prend son temps et dresse cinq portraits bad-ass et attachants. Mieux encore, il arrive à tous les faire vivre à l’écran pour qu’aucun ne prenne le dessus sur l’autre. Star-Lord, Rocket Raccoon, Groot, Drax et Gomorra, tous possèdent leur heure de gloire et leurs répliques qui tuent. Le plus grand succès de l’américain, c’est de faire ce qu’Avengers n’avait jamais eu à faire : construire ses héros à partir de rien. Le résultat est franchement génial, et surtout, c’est tout à fait inattendu tant on aurait pu croire que Star-Lord écraserait tout le monde. C’est grâce aux talents combinés de son scénario et de ses acteurs que Gunn remporte la mise. Habilement caractérisés par un chassé-croisé d’emblée truculent, le reste coule de source. Chris Pratt s’éclate dans le rôle de Peter Quill et trouve son meilleur rôle depuis un bail, Zoe Saldana assure en guerrière au douloureux passé et puis Dave Bautista arrive à littéralement exploser les limites de son personnage de brute épaisse pour nous toucher. Il reste alors les deux phénomènes de la bande : Rocket Raccoon et Groot. Le premier profite de la voix d’un Bradley Cooper charismatique et enjôleur, le second se contente de se la jouer à la Hodor, mais l’interaction des deux fait des étincelles. Impossible de ne pas penser à un certain duo : Han Solo et Chewbacca.

Parce que Gunn, en fin de compte, accumule les influences sur son film — Indiana Jones, Terminator, E.T, Star Wars, Star Trek — mais arrive à les digérer, se les accaparer et les restituer avec un bonheur constant. Ainsi Rocket et Groot ne restent pas de simples redites, ce sont des héros à part entière, excitants dès qu’ils prennent la parole et carrément géniaux lorsqu’ils vannent les autres. Il en est de même de Drax, qui n’est pas qu’un Riddick décérébré, mais un vrai bon personnage de SF. Sans même parler du délicieux Star-Lord et de sa fragilité toute humaine proportionnelle à son potentiel « sale gosse ». Si les Gardiens de la Galaxie réussit autant, c’est par eux. Mais aussi et surtout grâce à la maestria incroyable de Gunn qui nous compose un numéro d’équilibriste parfait. Le film est le Marvel le plus drôle qui ait été fait jusque-là, de très loin. Et cela, sans jamais gâcher le métrage ou en faire une simple parenthèse comique dans l’univers. Le réalisateur ne tente pas forcément de grandes réflexions mais revient aux bases, un film fun et jouissif qui assure sans tomber dans le débile et le graveleux. Chaque trait d’humour fait mouche et profite de l’alchimie entre les héros. Du running-gag de Groot aux références de Star-Lord en passant par le premier degré de Drax, tout, vraiment tout est réussi. On assiste même à des scènes tout à fait improbables mais hilarantes (Ronan lui-même a du mal à en revenir parfois).

Le film n’oublie jamais sa personnalité et son ambition de Space-Opera next-generation. En digne héritier de Star Wars, Les Gardiens de la Galaxie nous en met plein les yeux et plein le cœur. L’intrigue, assez basique mais ultra-efficace, regorge de moments de bravoure : du chassé-croisé initial à l’assaut final, on y croit, on est à fond, bref on est comme des gosses et ça marche. Les effets spéciaux et la 3D assurent un max, aucun effet ne fait cheap, notamment l’animation de Groot et Rocket, maîtrisée de bout en bout, et le film n’a jamais à rougir de la comparaison avec ses illustres aînés. Gunn bâtit une galaxie fantasque et magnifique avec quelques endroits inoubliables — Knowhere est un pur plaisir — mais aussi une personnalité bien à elle, ouvrant d’infinies possibilités pour le futur. De même, il rassure les fans et offre de multiples références geeks qu’on vous laisse le soin de retrouver par vous-même. La seule petite déception du film, c’est au final Ronan, un méchant un peu vite ébauché et un peu prétexte, qu’on aurait aimé voir davantage travaillé. Rien de honteux, bien au contraire, c’est juste dommage.

On finira en citant la B.O du film de Tyler Bates, simplement parfaite, regorgeant de tubes des années 70–80, de Blue Swede à Dawid Bowie en passant par les Jackson 5. Et même cette B.O est utilisée à merveille par Gunn qui lui donne une raison d’être et l’intègre à son récit avec ce Walkman de Star-Lord, moment de nostalgie continuel qui rappelle au film ses origines. L’idée est simple mais elle permet non seulement de nous rapprocher de Star Lord, de nous tirer des sourires nostalgiques mais aussi de composer des scènes succulentes (la scène d’intro où Pratt se lâche). De toute façon, des idées comme ça, de mise en scène ou de scénario, Gunn en a des tonnes, le film en regorge et on en perd rapidement le compte. Des vaisseaux qui s’assemblent pour former un filet géant, un crâne gigantesque qui sert de mine, les transformations de Groot, les plans discrets sur le dos modifié de Rocket… tout trouve son utilité et magnifie le métrage. Gunn se paye le luxe de faire mieux que Whedon. Gunn, en un seul film, impose sa marque avec une classe… intergalactique.

Véritable descendant spirituel de Star Wars, Les Gardiens de la Galaxie n’est pas simplement le meilleur blockbuster de l’été, ni même le meilleur Marvel jusqu’ici, c’est simplement un film débordant de générosité, d’idées et de fun. James Gunn a réussi ce pari et avec un tel succès qu’il force le respect.
La classe intersidérale avec un grand C.

Note : 9/10

Meilleures scènes : La course-poursuite initiale, la bataille finale (fabuleuse), Knowhere, l’évasion…

Meilleure réplique : « On est comme Kevin Bacon »

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