Les livres coups de cœur 2018

Les meilleurs livres de 2018…selon les autres !

Nicolas Winter
Juste un mot
Published in
14 min readDec 19, 2018

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Pour finir 2018 en beauté, vingt-cinq acteurs du monde littéraire vous proposent le livre qui les a le plus marqué cette année.
De quoi trouver de nombreuses idées à mettre au pied du sapin !

Retrouvez les meilleurs livres de 2018 selon Just A Word.

“Choisir son livre préféré lu une année donnée, ce n’est pas cornélien, c’est carrément diabolique !”

“ Pour sa résonance avec l’état d’alerte dans lequel est notre monde. Richard Powers, à travers plusieurs générations, se fait tour à tour professeur, porte-parole, citoyen, économiste. C’est un chant d’amour à la forêt. À l’arbre, personnage principal de ce roman. C’est une alarme hurlante sur ce que nous faisons de notre monde. C’est un message nécessaire, poétique, qu’il nous fait passer, à nous les Hommes, à nous qui sommes l’espoir malgré le poids de nos actes. Ça vous bouleverse, vous secoue. Et après cela, plus jamais vous ne regarderez un arbre de la même manière.
C’est là, le génie de Powers.”

“J’ai adoré cette BD pour l’originalité de sa forme et tout ce qu’elle dit sur le fait d’être une enfant différente. C’est aussi la plus originale des « Histoire de l’art » que je connaisse.
Le succès d’Emil Ferris est plus que mérité. ”

Critique de Moi, ce que j’aime, c’est les Monstres d’Emil Ferris

  • Pierre-Paul Durastanti
    Traducteur et Directeur de collection au Bélial’

“Au risque de jouer les snobs, le livre qui m’a le plus marqué cette année, c’est un essai, en anglais, sur la science-fiction : Astounding, d’Alec Nevala-Lee. Ce très gros bouquin propose la biographie de John W. Campbell Jr., écrivain et rédacteur-en-chef de la revue américaine mythique à l’origine d’un Âge d’or du domaine peu avant la Seconde Guerre mondiale. Ce serait déjà fascinant, mais l’auteur met aussi en perspective les vies et les carrières respectives de trois des découvertes d’Astounding : Isaac Asimov, Robert Heinlein et L. Ron Hubbard. Ce sont leurs interactions à tous les quatre qui modèlent une période riche de possibles aussi féconds — les œuvres, l’influence culturelle — que douteux — les fourvoiements scientifiques et autres escroqueries intellectuelles, dont la Scientologie, issue des pages du magazine… et pour bonne part du cerveau de Campbell en plus de celui de Hubbard. Sérieux, vivant, étayé au possible, écrit avec autant de clarté que de rigueur et de vigueur, voilà une étude majeure qui dépasse les limites du genre.”

“ Poème narratif en 16 chapitres et 48 pages, Je, d’un accident ou d’amour raconte une rencontre amoureuse, dans tout ce qu’elle a d’explosif, d’inattendu et confondant. L’auteur prend le pari de restituer ce bouleversement intime par un éclatement du langage en… supprimant tous les verbes. C’est bizarre, scotchant, naïf et surtout, c’est excellent. Avec sa langue d’éclopé, Loïc Demey crée toute une poétique du bancal, toute une imagerie de patchwork, et parvient à convoquer une grande sensualité. Court, doux et saisissant, ce texte tient sa cohérence jusqu’au bout, et c’est ce qui en fait, en outre, une excellente porte d’entrée vers la poésie contemporaine. (Accessible à qui n’en lit jamais, réjouissant pour qui la connaît.) Succès garanti.”

“ C’est une immense épopée dans la mémoire de notre histoire profonde et, le lisant, on retourne à l’Iliade, aux chansons de geste, aux légendes de notre ADN, dans une écriture incroyable, de par-delà les époques. Un livre inclassable et puissant, une expérience de lecture assez inoubliable, familière et radicalement exotique.”

Critique d’Hildegarde de Léo Henry

  • Hugues Robert
    Libraire chez Charybde à Paris

“ Le sort en est jeté : mon chouchou de l’année sera Épopée de Marie Cosnay, aux éditions de l’Ogre : Parce que je rêvais d’un vrai roman policier et thriller géopolitique, des sombres ruelles de l’antiterrorisme en France aux plateaux afghans et aux méandres pétroliers africains, qui serait sublimé par son écriture vers une sorte de poésie contemporaine de l’affrontement et du doute intime, avec un humour aussi inlassable que discret, et un grain de folie douce venant tempérer, évanescent, un monde de brutes appréhendé pour ce qu’il est. Et c’est ce qu’elle a fait, Marie Cosnay, et c’est époustouflant.”

  • Stéphane Desa
    Éditeur, et fondateur de la collection OutreFleuve

“Cette année, mon coup de cœur ne relève ni de la SF, ni de la fantasy, ni d’aucun genre de l’Imaginaire. Au contraire, il s’agit d’un récit du réel, de ceux qui dévoilent à vos yeux ébahis un aspect du monde aussi fascinant qu’il vous était étranger : Tokyo Vice de Jake Adelstein. Les pointilleux diront que j’ai un train de retard, et que vu le bruit qu’il a fait à sa sortie, en 2016, j’aurais pu me donner la peine… Oui mais voilà, en 2016, je croulais sous les piles de livres et de manuscrits pour mes collections. Celui-là, je l’avais donc mis de côté, dans cette pile sans fin des « livres à lire quand j’aurai le temps… ». Jake Adelstein, journaliste, nous révèle donc les dessous de Tokyo, ses facettes violentes, sordides et terriblement humaines que la si policée société japonaise dissimule autant que possible. À l’heure de l’information en continu, des sujets d’actualité traités à la va-vite, du journalisme réduit au relais de flux d’informations aux sources comme à la pertinence parfois douteuses, Jake Adelstein nous rappelle ce qu’est le travail d’investigation, l’investissement personnel, l’abnégation et la persévérance, au risque même de sa vie, que l’enquête journalistique réclame. Et nous en apprend beaucoup sur le monde méconnu et pourtant captivant des yakuzas (entre autres choses). Je ne saurais donc trop recommander à ceux qui, comme moi, n’ont pas encore pris le temps de le lire de se jeter dessus. ”

Uter Pandragon de Thomas Spok publié aux éditions Les Forges de Vulcain est une réécriture passionnante d’un fragment du mythe arthurien. Les chapitres se construisent comme une grande fresque épique, fort en émotions et en péripéties. Si vous souhaitez faire (re)découvrir les origines d’Excalibur à un ami ou découvrir un jeune auteur d’avenir, foncez devant cette aventure haute en couleur. La richesse de la langue ainsi que le rythme de la narration sont un cadeau fort agréable pour les fêtes de fin d’année. ”

Critique d’Uter Pandragon de Thomas Spok

Diskordia, c’est tout simplement ce qui est arrivé de mieux au comics depuis Sandman ! Une œuvre riche, foisonnante, complètement barrée, aux résonances mythiques, mystiques et psychologiques qui démonte proprement la nature de la réalité, de la conscience et de l’existence, qui passe allègrement du surréalisme au gothique, du thriller conspirationniste à la poésie féerique, du polar crasseux au métaphysique, qui démolit toutes les idées préconçues et hante durablement l’esprit du lecteur.
Des cadrages de ouf, des sautes de style pertinentes, des dessins sans cesse changeants, un scénario tortueux, une plongée en apnée au cœur de l’humain, de la SF, du fantastique, de la métaphysique amusante, du suspense, de l’action et beaucoup plus que ça. Riche, puissant, original, sombre, provocant, violent, malsain, haletant, drôle, intelligent, glauque, palpitant, inventif, fascinant, décalé, saisissant, stupéfiant.
Aussi fou que Legion (la série), mais en plus fou encore.
Et, guess what ?; c’est disponible gratuitement ET légalement ici : http://diskordiacomic.com/
Gloire à son créateur !

“Everything you think you know about the world is at worst a lie and at best simply a pale facet of a truth so terrifying and overwhelming that madness is preferable.”

“ J’ai envie de conseiller La Grâce des Rois de Ken Liu, paru en octobre dernier chez Fleuve Editions.
Ce fut ma lecture préférée en anglais en 2015 et je suis certain, pour avoir feuilleté la traduction, que je le retrouverai tout en haut de mon classement cette année aussi. Si vous avez envie de découvrir un roman de fantasy épique, certes, mais loin des canons du genre, porté qui plus est par le talent de plume de Liu, que l’on ne présente plus, laissez-vous tenter ! L’auteur parvient à réinventer légendes et figures attendues. On ne voit pas les 800 pages passer ! Vivement la suite.”

  • Lucile Tallon
    Libraire chez Cultura et responsable du blog Lully Fabule

“ Livre coup de poing duquel on ne se ressort pas indemne, My Absolute Darling ravage littéralement à chaque page par la force de ses propos, l’incroyable beauté des mots et son insupportable vérité.”

Critique de My Absolute Darling de Gabriel Tallent

“ Un roman entre polar et dystopie que j’ai pour ma part découvert en livre audio (Éditions Thelème, lu par Pauline Huruguen) qui nous emporte dans un monde post-apo où la population vit dans un silo de plusieurs centaines d’étages, enfoncés dans le sol. On y suit Juliette Nichols, chef d’équipe du département des Machines des bas fonds, qui se voit propulsée malgré elle tout en haut du Silo pour prendre la place du précédent Shérif. Qui tirent les ficelles de ce meilleur des mondes ?
Une intrigue simple, mais efficace avec son lot de surprises, qui s’appuie sur des visuels bien rendus et sur des personnages particulièrement réussis. Une mention spéciale pour les scènes de « nettoyage » à l’extérieur du Silo.”

“Mon meilleur livre de 2018 est un livre disponible en français depuis des décennies, mais qui n’est paru en anglais que cette année : Les Gouvernantes d’Anne Serre. Habilement traduit par Mark Hutchinson, c’est une fable érotique magnifique, en partie drame domestique et en partie rêve. J’ai adoré l’étrangeté de cette maison isolée, grouillant de secrets, où les trois gouvernantes de Serre vivent leurs vies étranges et capricieuses. Combinant l’excès sensuel, des visions surréalistes, et l’atmosphère mystérieuse de l’enfance, Les Gouvernantes est une chose rare et merveilleuse : un conte de fées pour adultes.”

“ Une magnifique adaptation en manga, par un Kenji Tsuruta au trait d’une grande finesse, d’une nouvelle de SF de Shinji Kajio devenue culte au Japon. Le temps d’une traversée en bateau, un jeune homme déçu par la vie rencontre la jeune femme qu’il n’oubliera jamais — une adolescente un peu bohème, dont les souvenirs remontent à plusieurs milliards d’années… En résulte un récit extrêmement touchant, mêlant SF et romance avec une subtilité remarquable. Beau à en frémir.”

  • Erwann Perchoc
    Assistant d’édition aux éditions du Bélial’

“La parution en français cette année de [Anatèm] a tout d’une injustice enfin réparée, dix ans après sa publication aux USA. Pitché par son éditeur comme « Le Nom de la Rose quatre mille ans après une apocalypse nucléaire », l’énorme roman de Neal Stephenson commence par déconcerter avant de fasciner. Puis de vous retourner le cerveau. Exigeant, spéculatif, philosophique, riche en sense of wonder, en twists retors et en morceaux de bravoure, [Anatèm] est aussi brillant que puissant et érudit. Un roman majeur, tous genres confondus.”

Critique d’Anatèm de Neal Stephenson

La Peau Froide d’Albert Sánchez Piñol, chez Actes Sud. Un vagabondage aux couleurs lovecraftiennes sur un îlot de l’Atlantique sud, où deux hommes reclus luttent chaque nuit contre les assauts de créatures marines. Un roman ouvert sur notre relation avec l’étrange et l’étranger. Un récit prenant et bien rythmé ; une belle découverte pour un huit-clos.”

Critique de Cold Skin de Xavier Gens, adaptation du roman La Peau Froide.

“Une ballade au pays des bûchers : les femmes qui vivent seules, celles qui ne veulent pas d’enfant et celles qui ne veulent pas se faire tirer la peau. Ce n’est pas une somme universitaire, c’est une promenade guidée de haut vol.”

The Grocery (Intégrale) par Aurélien Ducoudray. Superbe comic proche dans sa profondeur de la série The Wire. Une histoire triste et réaliste qui dit, au ras du sol, la désagrégation américaine, la ségrégation de fait, la misère, les gangs, la prison comme mode unique de gestion des problèmes sociaux, le tout porté par des personnages aussi profonds qu’attachants et des graphismes originaux, à la fois naïfs et violents.
Un vrai chef d’oeuvre du comic français.”

« Cette année 2018, j’ai beaucoup aimé Le poids de la neige de Christian Guay-Poliquin publié aux Éditions de L’Observatoire. Ce roman prend la forme d’un journal intime. Le narrateur raconte au lecteur sa convalescence. Suite à un grave accident de voiture les os de ses jambes sont brisés. C’est un certain Matthias qui s’occupe de lui le temps qu’une tempête de neige sans précédent se termine. Jour après jour, on vit au rythme du rétablissement du blessé. On découvre en même temps que lui les personnages se rendant à son chevet. Il n’a pas d’autres choix que de se remettre à la bienveillance de ces gens et à l’empathie de Matthias qui ne le connaît pourtant pas. L’auteur excelle dans la narration de l’impatience, de l’attente, de l’espoir. Finalement à travers cette histoire, c’est l’angoisse de la perte que nous donnent à vivre ces deux personnages: la perte de tout bien matériel et de l’usage de ses jambes pour l’un, la hantise de perdre un être cher pour l’autre. Car lorsque l’état du blessé s’améliorera c’est Matthias qui flanchera, prêt à tout pour obtenir une place dans le convoi pour la ville quand viendra le printemps et lui permettant de revoir sa femme tant aimée. Il devra alors, à son tour compter sur cet homme de nouveau sur pied. Avec une écriture soignée, Christian Guay-Poliquin parvient à tenir en haleine le lecteur et à le ravir par des descriptions enneigées de toute beauté. Le poids de la neige est un très beau roman sur l’empathie et l’humilité dont nous devrions tous faire preuve face aux déchaînements de la nature. »

“ Voici un roman, qui n’est pas encore disponible en français, et qui ne demande qu’à être traduit. Ultraluminous de Katherine Faw raconte une brève période de la vie d’une call-girl ultra-haut de gamme. C’est remuant et désorientant. C’est vulgaire, mais pas paresseux comme de simplement faire abstraction des contraintes, plutôt d’une façon spéciale qui passerait par un développement long et attentionné. L’impression persistance qu’il m’en reste, des mois après l’avoir lu, est celle d’un personnage violemment ballotté entre des extrêmes invivables, une existence de rien, à la fin, si ce n’est la tension existant entre ces différents états. L’élégante structure du livre, qui s’élève peu à peu en vu de l’acte final, est un éblouissant bonus.”

  • Anthelme Hauchecorne
    Auteur français du Carnaval aux Corbeaux et de Journal d’un marchand de rêves.

La Bibliothèque de Mount Char est un livre très audacieux qui ravira les amateurs/trices de fantasy urbaine contemporaine. Scott Hawkins fait le pari de proposer une intrigue intelligente autour d’une bibliothèque, laquelle recèle rien de moins que le savoir de “Dieu”, réparti en différents “catalogues(la Guerre, les Langues, la Mort…). “Dieu” forme des bibliothécaires à l’assister dans son travail. Vous aimerez : l’humour, les situations abracadabrantes, la caractérisation des personnages, les passages épiques mais aussi les passages d’une surprenante tendresse, ce sont eux qui m’ont le plus convaincu… Ce qui pourrait vous rebuter : le nombre de personnages, les descriptions assez rapides, un peu d’hémoglobine, un peu de vulgarité, d’un niveau Tarantino dirons-nous, un scénario chargé mais digeste…”

Critique de La Bibliothèque de Mount Char de Scott Hawkins

  • David Meulemans
    Directeur des éditions Aux Forges de Vulcain

“ Cette année, j’ai aimé Dans la Toile du temps d’Adrian Tchaikovsky, chez Denoël. Je recommande donc cette lecture. À certains égards, c’est à la fois un retour à une Hard-SF à l’ancienne, comme on n’en fait plus — et c’est aussi une revitalisation du genre, avec une vraie mise à jour des questions que pose la conquête spatiale : le temps long, l’évolution des espèces, l’intelligence artificielle, la disparition des civilisations. Il y a dans ce roman comme une ferveur et une foi dans les pouvoirs de la SF que j’en suis ressorti avec dans les yeux le même émerveillement que quand je découvrais, adolescent, Rama d’Arthur C. Clarke.”

La Quête onirique de Vellitt Boe de Kij Johnson paru au Bélial’. Ce court roman fait voyager le lecteur dans les Contrées du Rêve imaginées par Lovecraft. Les pérégrinations de Vellitt Boe lui permettront de se retrouver elle-même. En fin de volume, une interview de Kij Johnson permet de mieux appréhender son travail et d’approfondir les liens entre les œuvres des deux auteurs. Les éditions du Bélial proposent une édition dotée d’une couverture à rabats et agrémentée de vingt-cinq superbes illustrations intérieures en noir et blanc de Nicolas Fructus ainsi que d’une carte des contrées du rêve par Serena Malyon. Sur le fond comme sur la forme, ce court roman est une réussite.”

Critique de La Quête onirique de Velitt Boe de Kij Johnson.

“ Vous pensez qu’un livre sur des banquiers ou sur la finance est forcément aride, plombant et/ou indigeste ? Stefano Massini nous prouve le contraire avec cette incroyable saga des Lehman Brothers, un roman formidablement épique qui traverse 150 ans d’histoire en nous dressant le portrait de chacun des frères ayant compté dans leur ascension vers le succès. Drôle, intelligent et poétique tout à la fois, un chef d’œuvre à ne pas manquer !”

“1995, débarque à Paris un jeune provincial un peu paumé. 2005, celui-ci est devenu un pilier de Charlie Hebdo. Entre deux, les reportages à travers la France, les années Pasqua, les blagues de mauvais goût, l’amitié …Et Cabu, en figure solaire et tutorielle. De l’émotion des premières unes au quotidien de la salle de rédac, Luz livre une chronique lumineuse évitant les écueils du pathos ou de la nostalgie.Une ode au dessin réjouissante et touchante!”

Retrouvez les meilleurs livres de 2018 selon Just A Word.

Remerciements à tous les participant(e)s de cet article !
Et bonne(s) lecture(s) à tous et toutes !

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