L’Homme Gribouillé — Serge Lehman & Frederik Peeters

Golem es-tu là ?

Nicolas Winter
Juste un mot
Published in
3 min readNov 16, 2018

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Éditions Delcourt, 330 pages

Encensé à peu près partout depuis sa parution, le dernier bébé de Serge Lehman (La Brigade Chimérique, Retour sur l’Horizon…) et Frederik Peeters (Château de sable, L’Odeur des garçons affamés…) a même réussi à finir dans la short-list du prix Utopiales BD finalement remporté par Ces Jours qui disparaissent de Timothé Le Boucher. Histoire fantastique qui fleure bon le récit fantastique à la Jean Ray, L’Homme Gribouillé nous plonge dans les aventures de Betty Couvreur, une jeune femme bouffé par l’ombre de sa mère écrivaine, Maud, et qui souffre d’aphonie intermittente inexpliquée. C’est lorsqu’un malheur arrive à Maud que Clara, la fille de Betty, découvre qu’un odieux individu du nom de Max Corbeau fait chanter la vieille femme. Commence alors une équipée rocambolesque pour Clara et Betty.

Comme on l’a déjà dit plus haut, L’Homme Gribouillé s’inscrit dans la veine des récits fantastiques old school avec le genre de monstres délicieusement suranné qu’affectionne tout particulièrement Serge Lehman. Avant tout, c’est d’une histoire familiale dont il est question ici, de comprendre en quoi un héritage, surtout caché, peut s’avérer lourd à porter. Que ce soit à travers l’ombre tutélaire de la mère de Betty ou à cause de ces anciennes générations encore plus lointaines qui ont façonné la famille, l’héritage dans L’Homme Gribouillé est loin d’être chose aisée. Grâce au coup de crayon toujours très inspiré de Frederik Peeters, Lehman ébauche des héroïnes attachantes et crédibles qui, pourtant, ne suffisent pas.

En effet, L’Homme Gribouillé vaut avant toute chose pour son (ses ?) élément fantastique : Max Corbeau. Ce monstre surgit du passé et de l’imaginaire incarne une part d’ombre de l’Histoire de France. Intriguant dès sa première apparition et magnifiquement mis en images, la créature réutilise le mythe du Golem à sa sauce. L’entreprise aurait pu devenir vraiment intéressante si Serge Lehman ne se fourvoyait pas totalement en coupant net l’histoire de Max pour parler d’une sombre tradition familiale dans un village perdu au fin fond de la France. Dès lors, on se désintéresse de Max pour en faire un simple chasseur dans l’ombre et L’Homme Gribouillé nous sort un deus ex machina en la personne d’un second golem à la King Kong qui intervient dans l’histoire comme un cheveu sur la soupe. Il fallait bien arrêter Max l’invincible alors… Bref, le récit se finit trop vite, dans une sorte de précipitation narrative qui ne convainc guère et l’on ressort frustré à la fois sur l’histoire de Max mais aussi sur celle de cette famille gardienne de golem géant que l’on aura finalement abandonné au bord du chemin.

L’Homme Gribouillé promet énormément dans sa première moitié avec son fantastique daté et ses personnages attachants avant de se perdre dans une histoire foutraque qui tente l’escalade et finit par laisser froid. On est très loin de la maestria narrative des Contes Ordinaires d’une Société Résignée ou de l’émotion lancinante de Ces Jours qui disparaissent. Une déception en somme.

Note : 6/10

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