Love, Death + Robots, Saison 1

Le court-métrage prend le pouvoir

Nicolas Winter
Juste un mot
Published in
5 min readApr 2, 2019

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Toujours à la recherche de projets originaux qui lui permettrait de se distinguer, la plateforme Netflix a fait un choix audacieux en ce début d’année avec Love, Death + Robots.
En lieu et place d’une énième série ordinaire, le spectateur découvre une anthologie de courts-métrages animés sur le thème de la science-fiction (majoritairement) ou du fantastique (parfois) voire même de l’horreur.
Comme son nom l’indique, Love, Death + Robots promet surtout un cocktail de violence et d’androïdes arrosé de sexe. Une promesse qui ne sera pas véritablement tenue mais qui permet en réalité d’offrir un programme diablement audacieux et original au spectateur en quête de saveurs nouvelles.

Pour chapeauter ce projet, Netflix s’est associé à deux grands noms qui devraient parler au public : David Fincher (Se7en, Gone Girl, Zodiac, Alien 3…) et Tim Miller (Deadpool).
Contenant 18 épisodes allant de 6 à 17 minutes, Love, Death + Robots rappelle furieusement une autre aventure datant de 2003 et lancée à l’époque par les sœurs Wachowski : Animatrix. On y retrouvait déjà alors cette même volonté de regrouper des courts-métrages aux techniques d’animation diverses centrés sur un thème commun et faisant appelle à un tas de réalisateurs plus ou moins connus.
Bien des années plus tard, Netflix ressuscite donc cette vision en faisant le pari fou qu’elle plaira aux spectateurs. Grâce à sa diversité (autant visuelle que thématique) et à son goût pour l’extrême (dans la violence comme dans l’humour), Love, Death + Robots s’avère une proposition radicale qui manque parfois d’homogénéité, souvent de fond, mais jamais d’idées. Et l’explication en est plutôt simple.

Comme pour Animatrix, Love, Death + Robots s’appuie sur une pléiade de scénaristes…et pas n’importe lesquels. Poussant le concept de l’anthologie format courts jusqu’au bout, Netflix propose en fait 16 adaptations (sur les 18 épisodes que compte la série) de nouvelles de science-fiction et fantastique aux spectateurs…et invente en quelque sorte l’anthologie de nouvelles d’animation.
Philip Gelatt et Janis Robertson reprennent donc des nouvelles de Ken Liu (Bonne Chasse), Peter F. Hamilton (L’Avantage de Sonnie), John Scalzi (Les Trois Robots, La Revanche du Yaourt et Histoires Alternatives), Alastair Reynolds (Zima Blue et Derrière la faille) ou encore Joe R. Lansdale (La Décharge et Les Esprits de la Nuit).
Côté réalisation, c’est une pléiade de jeunes réalisateurs et de studios d’animation qui prennent part à l’aventure et qu’on ne citera pas tant la liste est longue. Cette diversité à la mise en scène offre un vrai feu d’artifices de talents et, surtout, de nombreux styles d’animations différentes (tout y passe ou presque).
Seuls deux épisodes — Angle Mort et Le Témoin — ne sont pas issus d’une nouvelle et constituent donc réellement des œuvres originales.

Thématiquement, Love, Death + Robots ne peut pas vraiment se targuer d’être un tour homogène. Si la grande majorité des épisodes traitent de robots et de morts, certains n’ont pas grand chose à voir avec le reste comme la relecture fantastico-horrifique d’Un Vieux Démon ou la farce fantastique La Décharge. Mais peu importe dans le fond car ce qui donne une cohérence à l’ensemble n’est pas véritablement la présence de technologies futuristes ou de scènes violentes mais bel et bien l’imagination débridée des scénaristes et réalisateurs réunis ici.
Plus important maintenant, la qualité des histoires qui nous sont servies.
Globalement, Love, Death & Robots s’en tire très bien.
Si certaines sont largement oubliables, comme Angle Mort — tentative ratée d’une transposition de détournement de train du Far West à l’heure robotique — , Un Vieux Démon — où l’on s’aventure dans la tombeau de Dracula juste pour flinguer à tout va entre deux protections félines — ou encore Le Coup de Main — qui tente de refaire Gravity sans rien apporter de neuf — , la majorité des épisodes oscille entre le bon et l’excellent.

Prenons pour exemple Zima Blue (ou L’œuvre de Zima), petite merveille qui brasse plusieurs thèmes passionnants (l’art, l’immortalité, la quête de soi, la transformation corporelle, l’achèvement personnel…). Mais aussi Les Esprits de la nuit, balade onirique dans un désert noyé qui déborde de poésie.
Love, Death + Robots offre également pas mal de virages dans les genres qu’il concentre. On mentionnera l’humour truculent de John Scalzi dans le génial Les Trois Robots — ou comment les visites touristiques ne finiront pas avec l’humanité — ou le délirant Histoires Alternatives — Hitler n’avait qu’à bien se tenir — sans parler de La Revanche du Yaourt — blague cosmique qui met à genou l’Ohio et le président des États-Unis. Dans un autre domaine, la série s’aventure sur les terres de l’amitié et de l’amour avec le petit joyaux Bonne Chasse — adaptée du génial Ken Liu et qui offre un monde steampunk sublime au service d’un féminisme réjouissant enrobé de mythes asiatiques succulents — ou le poignant Métamorphes — qui mêle guerre au Moyen-Orient et loup-garous pour mieux faire ressortir l’humanité au milieu du désastre.
Certains segments comblent (un peu) leurs lacunes scénaristiques par une véritable prouesse technologiques comme Derrière la faille ou Lucky 13 tandis que d’autres misent davantage sur l’action à l’instar de l’excellent Une Guerre Secrète et ses soldats russes pris au piège, ou du très coloré Des fermiers équipés où des fermiers repoussent l’attaque des zer…monstres qui en veulent à leur foyer.
Finissons par la plus atypique, L’âge de glace qui mêle prise de vues réelles et animation pour une guerre frigorifique et drôle à souhait qui repense totalement le concept de Sim City ou Civilisation.
Si vous cherchiez de la diversité dans une série, vous voilà donc amplement servis.

Love, Death + Robots n’est pas parfaite, certes. Comme toute série anthologique, elle accuse une certaine hétérogénéité sur le plan qualitatif. Mais avant toute chose, elle offre un terrain d’expérimentation passionnant qui offre tout de même des merveilles d’animation au service de textes originaux et audacieux. Rares sont les entreprises aussi atypiques actuellement à la télévision où tout un chacun peut trouver son bonheur sans (trop) perdre son temps devant les quelques déceptions émaillant cette première fournée d’épisodes. Un pari gagnant donc, que l’on espère vraiment retrouver pour une seconde saison.

Note : 8.5/10

Meilleure(s) épisodes(s) : L’œuvre de Zima, Les Trois Robots, Le Témoin et Bonne Chasse.

→ Retrouvez la critique de la Saison 2 de Love, Death + Robots !

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