M’entends-tu ?, Saison 1

Ostie de vie !

Nicolas Winter
Juste un mot
Published in
4 min readJul 20, 2020

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C’est au Festival Series Mania 2019 que la série québécoise M’entends-Tu ? fait parler d’elle pour la première fois dans l’Hexagone.
Créée par Florence Longpré, la série décroche le prix de la meilleure comédie avant de faire une razzia aux Prix Gémeaux la même année.
Dans un format 22 minutes aussi court que percutant, M’entends-Tu ? raconte la vie de trois jeunes femmes québécoises en galère : Carolanne, Fabiola et Ada. Un groupe d’amie qui semble inséparable et qui, pourtant, enchaîne les ennuis. Entre rire et drame, M’entends-tu ? apporte un vent de fraîcheur à la façon inimitable de nos cousins d’Amérique.

En dix épisodes, le spectateur va suivre le destin de ces trois jeunes filles engluées dans la misère et dans les galères.
D’abord, il y a Fabiola qui travaille dans un fast-food pour nourrir sa famille et notamment sa mère grabataire, tout en veillant sur sa nièce, délaissée par une mère droguée. Fabiola a un talent pourtant, une voix sublime qu’elle utilise dans le métro avec ses copines pour se faire de l’argent.
Ensuite, voilà Carolanne, la taiseuse du groupe qui doit faire face à une grossesse non désirée et le choix complexe entre avortement et maternité. Et ce n’est pas Keven, son petit ami violent qui va l’aider. Ni sa cousine chez qui elle loge depuis qu’elle a quitté la maison parentale devant la brutalité paternelle.
Enfin, comment ne rien dire de l’inénarrable Ada, boule de nerfs et de drôlerie qui habite avec une mère alcoolique et parasite. Un obstacle de taille pour draguer le mec de ses rêves qui travaille au bar du coin qu’elle fréquente assidûment avec ses amies.
Ces trois portraits de femme possèdent tous une chose unique : la sincérité et l’authenticité grâce à l’écriture de leur personnage qui sait parfaitement jonglé entre l’indicible et le fou-rire. Mais c’est aussi et surtout un trio d’actrices magiques qui profite d’une alchimie immédiate. Florence Longpré, Mélissa Bédard et Ève Landry sont de petites étincelles qui touchent le cœur du spectateur sans détour. Avec leurs grandes gueules, leurs larmes et leurs conneries.

Ce que refuse tout net M’entends-tu ?, c’est la carte du misérabilisme.
Oui, ces trois filles vivotent dans une pauvreté effrayante, oui, elles affrontent des épreuves terribles, du viol au passage à tabac en passant par le racisme ordinaire de la ville. Mais ces trois filles ont une chose à revendre : du courage !
En montrant non pas la spirale qui les tire vers le fond mais l’amitié qui les tire vers le haut, la série parvient à humaniser ses personnages et à en faire autre-chose qu’une compilation sociale. Ajoutons à cela une bande-originale qui dépote et un humour omniprésent qui fait du bien, sans oublier quelques guest savoureux et des personnages secondaires formidables en un clin d’œil (Pretzel !) et vous obtenez quelque chose d’extrêmement rare à la télévision actuelle : une série populaire avec des sujets de société qui ne prennent pas le spectateur pour un imbécile et qui mise sur le talent de ses actrices plutôt que l’invraisemblabilité des situations.
Bonus pour le spectateur français : la langue québécoise et ses expressions chamarrées qui ajoutent une couche d’originalité à des histoires tragiquement banales. Autant de crisse, décalîsse et autres tabarnacle qui valent le détour !
Et si la fin de la saison 1 noircit volontairement l’amitié de la bande devant le drame épouvante vécu par Carolanne, c’est pour mieux ressouder l’ensemble dans la prochaine saison…on l’espère du moins !

Savoureuse jusqu’au bout, attachante en diable et qui vous laisse entre rires et larmes sans putasserie populaire, M’entends-tu ? c’est la vraie bonne surprise qui vient du Québec, une surprise qui donne une voix à celles qui n’en ont pas et qui touche avec peu. On attend la suite avec impatience (et merci Netflix ) !

Note : 8.5/10

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