Prey

Épreuve de survie

Nicolas Winter
Published in
5 min readAug 7, 2022

--

Depuis le film culte de John McTiernan en 1987, la série Predator s’est perdue entre série Z et nanars. Si le second volet signé Stephen Hopkins n’a rien de véritablement déshonorant au final et tente tant bien que mal de troquer la jungle de l’Amérique Centrale pour celle de Los Angeles, force est de constater que la suite, pris entre le ridicule Predators de Nimród Antal en 2010 et l’insipide remake à la sauce Shane Black en 2018, avait quasiment achevé la légende.
Et non, nous ne parlerons pas des infâmes crossovers avec Alien.
Pourtant, c’est cette année qu’un spin-off basé sur la saga science-fictive voit le jour sur Disney + avec Dan Trachtenberg (10 Cloverfield Lane) aux commandes. Un nouveau clou dans le cercueil de la franchise ?

Retour aux sources

Prey prend d’emblée le contre-pied des précédents opus en mettant la proie à l’honneur dans son titre. Et au lieu d’en faire de la chair-à-Predator, Dan Trachtenberg en fait une nouvelle héroïne qui ressemble parfois à Aloy du jeu vidéo Horizon Zero Dawn.
Retour dans le passé, en 1719 pour être précis, au sein d’une tribu Comanche où Naru cherche encore sa place. Comme toutes les femmes de la tribu, elle devrait participer à la cueillette en attendant le retour des hommes. Mais Naru, elle, rêve de chasser et d’être accueillie comme une véritable guerrière auprès des siens. Taabe, son frère, l’estime et la soutient mais c’est bien lui qu’on destine à devenir chef de tribu, et pas Naru. Un jour, alors que la jeune femme aperçoit d’étranges lueurs dans le ciel, un puma s’attaque à l’un des chasseurs. En se joignant aux autres guerriers, elle ne se doute pas que son initiation a commencé et que son épreuve de survie passera par la lutte avec un être venu d’ailleurs.
En investissant dans un background à la fois féministe et historique, Dan Trachtenberg donne une identité à son héroïne et insiste sur l’histoire familiale et personnelle de celle-ci. Amber Midthunder, la sous-estimée Kerry de Légion, offre un merveilleux point d’attache au spectateur, endossant le rôle archétypale de l’héroïne qui doit faire ses preuves.
Autour d’elle, l’univers des Grandes Plaines offre un terrain de jeu formidable, exploité comme il se doit par le réalisateur de 10 Cloverfield Lane qui nous offre tout l’inverse de son huit-clos étouffant de 2016.
D’une certaine façon, Prey revient à la Nature dense et brutale du Predator de McTiernan, ours et puma en plus. Petit à petit, la tension monte pour le spectateur et l’on se demande si Dan Trachtenberg a bien retenu les leçons des précédents opus.

Entre tradition(s) et modernité

Que les fans de Predator se rassurent, Dan Trachtenberg n’a rien oublié des fondamentaux. Il reprend ainsi le design global de la créature et, surtout, son sens aigu de l’honneur martial. Le Predator qui fait face à Naru n’est pas un monstre sanguinaire qui tue pour le plaisir de tuer mais bien un chasseur qui se met constamment à l’épreuve, miroir alien de l’héroïne elle-même qui doit prouver sa valeur.
Ainsi, les armes à dispositions du Predator sont en rapport avec ses proies. Pas de laser mais une « arme à fléchettes », les fameuses griffes rétractables ou encore une lance de combat télescopique. Le combat se veut le plus juste possible pour laisser une chance à la proie. On retrouve la forme d’honneur étrange qui amenait le premier Predator à combattre Arnold Schwarzenegger à mains nues.
Mais Dan Trachtenberg fait évoluer tout de même son traqueur extraterrestre, avec quelques changements cosmétiques par-ci par-là et quelques nouveaux jouets dévastateurs.
L’évolution se trouve aussi dans le miroir qu’il offre par rapport à la légende. Exit les envahisseurs américains ultra-virils et leur commandant tout en muscles, bonjour à la tribu native amérindienne et à une femme plus intelligente et déterminée à les guider. Prey nous offre un beau discours féministe, à la fois en construisant une nouvelle héroïne charismatique à partir de rien mais aussi en démontrant que la femme et l’homme ont tout à gagner à coopérer au lieu de s’opposer bêtement. Mieux encore, le regard d’une petite fille lors de la dernière scène illustre le fait qu’il faut des modèles pour comprendre que tout est possible, que le changement passe par l’exemple.
Prey, sous ses dehors de film d’action, devient un témoin des luttes de son époque, et l’affrontement avec le monstre prend une toute autre envergure.
Surtout lorsque l’homme blanc fait son entrée, en la personne d’une expédition de français venus chasser et dépouiller les Grandes Plaines.
Le réalisateur montre alors le véritable visage de la chasse sans honneur et sans respect, celle qui laisse un troupeau de bisons massacré juste pour quelques peaux. Dans Prey, le véritable envahisseur n’est peut-être pas celui que l’on croit.
Ajoutons à ce sous-texte moderne des effets spéciaux solides et une mise en scène nerveuse, notamment durant les scènes d’action, et l’on obtient un long-métrage esthétiquement réussi et impressionnant dans lequel on respecte à la fois la mythologie de la franchise Predator et où l’on offre au spectateur un contrepoids intelligent au métrage hypertestotéroné de John McTiernan.

Beau et inattendu, Prey est un peu le film que l’on attendait plus pour sauver la franchise Predator. Porté par l’excellente Amber Midthunder et les somptueux décors des Grandes Plaines américaines, le long-métrage de Dan Trachtenberg surprend mais n’oublie jamais les bases, il modernise mais ne saccage pas son histoire en cours de route, tranchant dans le vif avec efficacité et pertinence. Il était temps !

Note : 8.5/10

--

--