Rogue One : A Star Wars Story

It’s Rogue…Rogue One !

Nicolas Winter
Juste un mot
Published in
6 min readDec 19, 2017

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L’épisode VII, The Force Awakens, n’avait pas fait l’unanimité, loin de là. Ce très difficile exercice qu’était de donner une suite à la mythique saga Star Wars avait été pourtant relevé par J.J. Abrams. Sans être à la hauteur de ses illustres aînés, The Force Awakens donnait au moins un divertissement honorable qui, s’il était par trop imprégné par ses prédécesseurs, semblait offrir une vraie passerelle entre l’ancienne et une nouvelle ère. Pour la première fois, ce n’est pas un nouvel épisode qui arrive sur les écrans mais bel et bien un spin-off venant s’insérer entre les événements de l’épisode III et de l’épisode IV. Issu de la nouvelle politique de Disney, désormais propriétaire de la saga culte, Rogue One : A Star Wars Story avait de quoi en effrayer plus d’un. Affichant une volonté claire de rompre avec la tradition (Plus de numéro d’épisode, pas de Jedi, pas de générique déroulant…), le long-métrage tente pourtant de concilier les deux versants du mythique univers créé par George Lucas : L’aspect fan et tous les éléments déjà connus par les initiés…et un côté novateur pour apporter du neuf à tout ce petit monde un peu rouillé depuis les ans.

Confié à l’américain Gareth Edwards à qui l’on doit Monsters et Godzilla, Rogue One s’intéresse aux événements survenant juste avant l’épisode IV et menant au vol des plans de l’Etoile de la Mort par l’équipe Rogue One. De ce fait,Edwards fait un choix audacieux : on ne suit que des « petits ». Pas de grand héros de la saga en personnage principal, pas un seul Skywalker à l’horizon (ou presque) et une exploration un tantinet plus originale que dans The Force Awakens. Vendu comme un opus plus noir que les autres, Rogue One effraie quand même autant qu’il excite après le visionnage de ses bande-annonces. On se souvient notamment que malgré sa mise en scène superbe, Godzilla, dernier film de Gareth Edwards, était d’une médiocrité évidente sur le plan narratif. Voyons voir de quoi est capable Edwardsavec un univers déjà en place, des moyens colossaux et, surtout après de nombreux reshoots imposés par les producteurs (ce qui semble être devenu la norme à Hollywood ces derniers temps…).

Rogue One se veut un film plus sombre et l’on remarque la chose d’emblée. Avec la mise en scène parfois crépusculaire de Gareth Edwards (comme lors de la scène des Helljumpers dans Godzilla), ce nouvel opus trouve un ton qui semble plus mature, plus sérieux, pour tout dire plus réaliste. Dans cette même volonté, on plonge au cœur de la Rébellion mais…pas d’un seul tenant comme les fois précédentes. En effet, cette fois le spectateur constate que la Rébellion n’est pas si unie qu’elle semble l’être, Edwards prend même un certain plaisir à montrer les dissensions internes (lors du choix pour savoir s’il faut se battre ou non) voir même la scission avec le groupe dissident de Saw Guerrera. Ainsi, Rogue One apparaît plus complexe ou, du moins, plus nuancé que ses prédécesseurs. Ce n’est cependant pas la première originalité du métrage puisque celui-ci, comme promis, ne se lance pas par le mythique générique et oublie certains tics des autres volets. Ce qui pourrait d’ailleurs passer pour une hérésie pour les puristes mais qui s’avère en réalité…être une vraie bouffée d’air frais !

Comme débarrassé de certaines contraintes, Edwards fait un film portant sa marque avec sa perpétuelle obsession pour les échelles et le gigantisme. Il nous ballotte de planètes en planètes, nous transporte d’une ambiance à l’autre — désert, pluie torrentielle, forestière, tropicale — pour mieux nous montrer la diversité de la galaxie. Une diversité qui a d’ailleurs fait grincer des dents aux Etats-Unis par les supporters décérébrés du prochain bouffon présidentiel. On renoue avec la pléthore de races et créatures étranges de l’univers Star Wars en même temps qu’on diversifie les ethnies présentes dans le film. Le groupe Rogue One lui-même synthétise cette volonté à merveille et…cela marche extrêmement bien. Seul écueil que n’évite pas le film d’Edwards : la froideur.

A vouloir se pencher sur des considérations politiques (mixité, rebelles et rébellion, oppression, lutte armée…), Edwards oublie souvent de donner de la chaleur à ses personnages ce qui fait que Felicity Jones aka Jyn Erso, et Cassian Andor aka Diego Luna, n’arrivent pas véritablement à toucher le spectateur. Tous les membres de l’équipe sont intéressants à leur façon, mais ce sont finalement les seconds couteaux qui finissent par convaincre à la surprise générale. On pense notamment au duo Chirrut Imwe/Baze Malbus, et surtout à l’inattendu K-2SO, le robot de l’équipe, qui s’avère au final le plus poignant de tous (bien aidé par sa scène finale il est vrai). Du côté obscur, on ne peut que saluer l’excellent performance de Ben Mendelsohn, franchement génial dans le rôle du méchant de service. Il semblerait qu’Edwards ait plus de facilité lorsqu’il s’agit d’incarner des méchants sur grand écran.

Rogue One, en plus d’être une histoire quasiment 100% humaine, porte un regard vraiment génial sur la Résistance. Le film fait le choix de la petite histoire à côté de la grande et finit, par son ambition dévorante, à éclipser les storylines de légende que l’on a connu auparavant le temps d’une dernière partie rien de moins qu’extraordinaire. C’est ici que le cinéaste se lâche et offre non pas une, non pas deux mais trois conflits simultanés à trois échelles différentes. La mise en scène dantesque (notamment dans l’attaque spatiale) ainsi que l’épique de la chose confère à Rogue One une intensité qu’on avait pas vu depuis l’Empire Contre-Attaque. Tout y est génial, démesuré, parfaitement agencé. Un véritable bonheur à trois échelles. L’autre bonheur, plus coupable, c’est aussi ces constants clins d’oeils au fan de la première heure avec un fan-service qui semble mieux inclus que dans The Force Awakens. L’apparition de personnages mythiques, de lieux mythiques et…de situations mythiques achève de faire couiner le connaisseur. Il faut saluer le « raccrochage de wagons » effectué par Edwards à ce niveau.

Dans la liste des regrets cependant, on mentionnera que Giacchino n’est pas Williams et que la bande-originale manque parfois cruellement d’ampleur. Egalement, et cela semble être due aux reshoots, que le personnage de Guerrera interprété par l’excellent Forest Whitaker, n’est pas assez fouillé, tout comme celui de l’excellent Mads Mikkelsen sur qui plane l’ombre d’Oppenheimer. Rogue One a d’ailleurs cette intéressante volonté de s’intéresser aux conséquences de la technologie où l’Etoile de la Mort devient plus qu’un outil de destruction mais l’invention reniée par son géniteur. Une sorte de bombe atomique galactique qui met en péril la vie humaine. Finalement, difficile de trouver de gros défauts à Rogue One tant on sent la volonté de son réalisateur de proposer quelque chose d’autre, quelque chose de sombre et guerrier qui va jusqu’au bout (vous verrez…). Ce qui semble, à l’heure actuelle, déjà remarquable.

Pourtant redouté, Rogue One s’avère une réussite pure et simple. Bien plus sombre que les précédents, le long-métrage arrive à se défaire de ses chaînes pour proposer un spectacle grandiose, rythmé et dépaysant. Voilà une équipe prête à entrer dans l’histoire…et de loin, le blockbuster le plus réussi de l’année.

Note : 9/10

Meilleure scène : Les trente dernières minutes

Meilleure réplique :Make ten men feel like one hundred

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