Split

Personnalités multiples

Nicolas Winter
Juste un mot
Published in
5 min readMay 2, 2018

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Qu’est-il arrivé à Night Shyamalan ?
Cette question était sur toutes les lèvres depuis quelques temps déjà et son dernier long-métrage en date, The Visit, immonde purge à peine digne d’être diffusée au cinéma, n’avait fait que renforcer ce sentiment. Pourtant, cette année le cinéaste se penche sur un sujet extrêmement intéressant, le trouble dissociatif de la personnalité (autrement dit les personnalités multiples) en s’inspirant librement d’une histoire vraie, celle de Billy Milligan, un américain qui abrite en lui 23 personnalités et qui avait fait l’objet de deux ouvrages brillants et passionnants (qu’e l’on vous recommande chaudement au passage) par l’auteur Daniel Keyes (le même qui avait déjà écrit le chef d’oeuvre Des Fleurs pour Algernon) intitulés respectivement Les Mille et une vies de Billy Milligan et Les Mille et Une guerres de Billy Milligan. Partant de ce postulat fascinant, Shyamalan s’appuie sur un acteur brillant, James McAvoy, pour construire un thriller horrifique en quasi huit-clos. Après tant d’échecs artistiques, Split incarne-t-il le retour tant espéré du réalisateur de Sixième Sens et Incassable ?

Qu’est-ce qui cloche avec Night Shyamalan ces derniers temps ? C’est avant tout que le cinéaste n’arrive plus à retrouver le souffle qu’il avait dans ses tous premiers long-métrages. Heureusement, Split dispose d’un postulat de base solide et, surtout, d’une extrême profondeur. Pour le développer, Shyamalan choisit le prisme du thriller claustrophobique en suivant le destin de Casey, une jeune fille pas comme les autres qui se fait enlever par un mystérieux individu avec ses deux amies, Marcia et Claire. Rapidement, les trois captives s’aperçoivent que leur kidnappeur n’a rien du psychopathe ordinaire. On pense immédiatement au récent The Room mais la comparaison s’arrête rapidement. En effet, l’intérêt du film ne vient pas du calvaire psychologique enduré par Claire (nous y reviendrons) mais bien de son geôlier tout à fait fascinant. Atteint d’un trouble dissociatif de la personnalité, Kevin abrite en lui pas moins de vingt-trois individus tels qu’Hedwig, un enfant de neuf ans, Patricia une femme manipulatrice et sévère ou encore Dennis, victime de TOCs et convaincu que la Bête approche. C’est ici que commence le tour de force de Split.

Pour incarner ce(s) personnage(s), Shyamalan a débauché James McAvoy qu’on a largement pu apprécié auparavant dans la saga X-Men ou le Dernier roi d’Ecosse. Cet acteur britannique a la lourde responsabilité de porter le long-métrage sur ses épaules en incarnant par ses mimiques, sa gestuelle et sa voix plusieurs personnalités. Sa réussite à l’écran n’en est que plus impressionnante. McAvoy s’avère extraordinaire, livrant une prestation incroyable digne d’un authentique caméléon. La finesse de son jeu n’est rien de moins que remarquable. Il livre la meilleure performance d’acteur depuis longtemps sur grand écran. En face, il faut préciser que la jeune Anya Taylor-Joy (la révélation de The VVitch) ne démérite pas non plus. Elle bénéficie également d’un personnage à la hauteur avec lequel Shyamalan joue d’astuces, ménageant des zones d’ombres qu’il débroussaille petit à petit par des flash-back savamment arrangés.L’intrication des deux fils narratifs ne serait pourtant rien si Shyamalan ne distillait pas un sentiment latent d’horreur avec une mythologie autour de la Bête qui fait douter le spectateur jusqu’au bout.

Outre le passionnant thriller psychologique, Split vire rapidement au film ambiguë dès que Shyamalan s’éloigne du postulat de base pour en explorer ses franges. Dans un certain sens, le cinéaste envisage la religion — ici le dogme apocalyptique de la Bête — sous l’angle d’une nouvelle “maladie”, d’un mal qui ronge lentement et s’insinue jusqu’à finir par devenir réalité. Ce message subversif trouve son aboutissement dans le crescendo final où Split bascule définitivement dans l’horreur, passant du film claustrophobe à un quasi-survival pendant une vingtaine de minutes. Ce virage, superbement négocié, et bien aidé par une bande sonore aux petits oignons, prend le spectateur sans crier gare et renforce la surprise éprouvée en face d’une violence cannibale entrevue par les yeux de Casey. McAvoy restant toujours…stupéfiant ! Il faut également préciser que la mise en application des idées du roman de base sur Billy Milligan, le système du projecteur, les Indésirables qui constituent la Horde etc…permet au film d’asseoir encore davantage sa crédibilité. Se faisant, son revirement surprend d’autant plus. Avec sa mise en scène soignée et calculatrice, le long-métrage réserve pourtant une toute dernière surprise

[SPOILER]

En effet, après une première conclusion entre sauvagerie et secrets inavouables, Split réserve un dernier chavirement. Night Shyamalan se permet une folie dans son épilogue en faisant apparaître…David Dunn ! Le héros d’Incassable dont l’arrivée à l’écran est annoncée par les quelques notes de musiques que reconnaîtront les fans de ce chef d’oeuvre du film de super-héros. Plus qu’un clin d’œil, ce caméo retourne complètement le genre auquel appartient Split et le métamorphose en film de super-vilain, introduisant par la même un univers partagé super-héroïque à la sauce Shyamalan. La profondeur ainsi acquise par le personnage de Kévin n’a donc aucune équivalence dans les autres films du même type puisque tout le métrage lui est consacré…préparant le terrain pour un futur affrontement que l’on devine mémorable dans le prochain Incassable 2 ! Près de 17 ans plus tard, Shyamalan met une baffe aux fans de la première heure tout en donnant un film aux personnalités multiples…comme son héros. Chapeau bas !

[SPOILER]

Finalement, il est quasiment impossible de véritablement expliquer à quel point Night Shyamalan fait fort avec Split sans spoiler. Il livre non seulement une histoire rythmée, brillamment mise en scène et pensée, mais joue également la carte du genre à géométrie variable. Emporté par la prestation extraordinaire de James McAvoy, Split n’est rien de moins qu’une résurrection. A voir absolument sur grand écran comme il se doit !

Note : 9/10

Meilleure scène : La scène finale !

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