The Leftovers, Saison 3

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Nicolas Winter
Juste un mot
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6 min readAug 8, 2017

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Difficile d’expliquer à ceux qui ne la connaissent pas encore à quel point The Leftovers est devenu une série culte en un laps de temps très court.
Malgré l’évidente difficulté de garder une telle série à l’écran, HBO a décidé d’accorder une troisième saison pour conclure l’intrigue de Tom Perotta et Damon Lindelof. Nous avions laissé Kevin, Nora et les autres dans une situation tout à fait apocalyptique la saison dernière puisque l’apparente sérénité de la ville de Miracle avait volé en éclat sous l’impulsion desGuilty Remnants et de son nouveau gourou, Megan Abott.
Comme pour la saison 2, cette nouveau chapitre s’ouvre sur une séquence mystérieuse situé dans le passé et qui semble se raccrocher à la fois au ton mystique de la série tout en mettant l’accent sur la peine, la tristesse de ce que l’on perd.
On retrouve par la suite Kevin, devenu shérif de Miracle, et Nora, toujours agent du DSD. De la même façon que tout avait changé entre les saison une et deux, une ellipse temporelle permet de faire un nouveau saut dans le temps pour cette nouvelle saison. Miracle n’est plus la ville isolationniste et élitiste que l’on a connu, et ses habitants ont forcément du s’adapter.

John et Ericka ne sont plus ensemble, Matt continue ses prêches avec plus de vigueur encore mais avec Michael comme apprenti, et enfin Laurie et Tommy ont rejoint Kevin au sein de cette nouvelle communauté. A l’image de ce qu’ils ont fait pour la saison précédente, Perotta et Lindelof choisissent de secouer l’échiquier pour changer de lieu. Rapidement, les personnages s’envolent pour l’Australie, sorte de Terre Promise où les réponses attendent. En oubliant cette fois de s’intéresser à une quête spécifique (la principale erreur de la saison deux), The Leftovers retrouve l’entière puissance de la première saison. Il faut bien avouer que, de toute façon, The Leftovers n’est jamais aussi fort que quand elle se concentre sur les émotions et les bizarreries de ses personnages. C’est pourquoi ce baroud d’honneur semble avoir tout compris.

Perotta et Lindelof ont pour claire mission de refermer toutes les intrigues. Pour cela, ils font revenir un tas de personnages de la première saison, à commencer par Kevin Garvey Sr, et tente de trouver l’équilibre entre la folie sous-jacente de leur histoire et la cruelle réalité des choses. Ceux qui détestaient le versant mystico-bizarre de la série en seront pour leur frais puisque cette saison trois plonge dedans à corps perdue. Mais elle le fait bien.
De toute façon, cette dimension biblique, The Leftovers l’affichait déjà dès les premières minutes. En faisant cette fois de Kevin un nouveau Jésus, The Leftovers cristallise l’importance de ce personnage et de celui, par ricochet, de Nora. Si le couple porte encore une fois le show sur ses épaules, les autres personnages ne sont pas en reste et interviennent avec bonheur dans cette espèce de mythologie new-age. Entre folie pure (à travers les visions de Kevin), croyances (à travers le personnage de Matt) et deuil, The Leftovers fait figure d’équilibriste.

L’audace narrative constante de la saison trois alterne les épisodes de groupe et les loners qui, comme d’habitude, sont de petits chef d’œuvres en puissance. La multiplicité des thèmes abordés ainsi que la justesse du traitement force le respect. L’exemple typique est bien celui du personnage de Matt Jamison, interprété par un Christopher Eccleston divinement bon, qui s’avère la synthèse des préoccupations autour de la foi. Au cours de son loner, le fantastique et fantasque épisode 5, le ton flirte avec le grotesque sans jamais y tomber, pour finir par aller vers une confrontation aussi farfelue que métaphysique. Par un astucieux tour narratif, Lindelof et Perrota confronte Matt à Dieu, l’homme de foi à son maître. Le résultat n’est rien de moins qu’éblouissant, nihiliste et mélancolique en diable, tout en gardant un rire grinçant et assez de recul pour ne pas détruire le propos de fond. Ce numéro d’équilibriste se retrouve évidemment ailleurs, dans l’épisode WTF de Kevin par exemple, ou dans le délire de Kevin Garvey Jr. The Letfovers explique que l’homme a besoin de la foi, il a besoin de croire, même en l’absurde, car il faut donner un sens au drame, un sens à sa propre existence.(Re)découvrir que Dieu n’existe pas demande du courage, de la folie ou de l’abnégation, voir les trois.

Mais là ou cette saison retrouve son génie total, c’est en se recentrant sur le couple Kevin-Nora, deux personnages sublimes interprétés respectivement par Justin Theroux et Carrie Coon, deux acteurs au sommet de leur art. Tout le propos de The Leftovers tourne autour du deuil depuis le départ. Comment faire face à la perte ? Comment trouver un nouveau départ, un nouveau sens à son existence ? Certains plongent dans la foi (Matt, Michael), d’autres dans la folie(Kevin et son père) et d’autres n’arrivent simplement pas à faire face (Nora et Laurie). En creusant encore et encore sur ce thème, la saison 3 déterre des trésors, fait pleurer son spectateur à chaudes larmes et secoue durablement. Grâce à la justesse narrative de l’ensemble, à la sobriété de la musique lancinante de Max Richter (pour toujours associé à cette série) et au talent immense de ses acteurs, The Leftovers explique quelque chose de simple et difficile à la fois : on n’arrive jamais à faire véritablement son deuil. Qu’est-ce qui peut nous sauver en définitive ? L’amour. C’est pour cela que l’histoire entre Kevin et Nora prend tout son sens.

La conclusion, à la fois redoutée et attendue, s’avère parfaite. Simplement parfaite. Il est en un sens heureux que Lindelof n’ait pas eu le temps de faire de multiples saisons et de se perdre dans sa propre histoire car The Leftovers, en 3 saisons, permet de condenser l’émotion. Dans ce face-à-face ultime, les deux principaux personnages de la série lèvent le voile sur le mystère, toujours sans le montrer. On sait enfin ce qui est arrivé aux disparus mais…ce n’est toujours pas l’important. Ce qui importe c’est le regard de ces deux amants, de ceux deux personnages qui ont trouvé l’un dans l’autre un moyen de faire la paix avec leur tristesse. Ce qui importe, à la fin, c’est la beauté de ce “I’m here” entrecoupé de larmes. C’est beau, c’est sobre et ça brise le cœur autant que ça réconforte.

Il faut donc tirer un bilan de cette série HBO après trois saisons. Malgré une deuxième saison un tantinet plus faible, The Leftovers se révèle aussi intense que juste. Jamais une série n’aura parlé avec autant de justesse et d’audace de l’après, de ce sentiment qui ronge l’être humain sur comme faire face à la disparition. Bien sûr Six Feet Under nous parlait de la mort, mais The Leftovers trouve un ton plus métaphysique, plus universel et, certainement plus intensément triste. Avec cette dernière saison, The Leftovers confirme qu’elle est l’une des meilleures séries jamais produites et, sans aucun doute la meilleure série récente diffusée à la télévision.
En somme, un chef d’oeuvre.

Note : 9.5/10

Meilleur épisode : Episode 5 — It’s a Matt, Matt, Matt, Matt World

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