
Under the Silver Lake
Beware the Dog Killer
→ Critique d’It Follows de David Robert Mitchell
Déjà acclamé pour son second long-métrage, l’excellent It Follows, l’américain David Robert Mitchell a cette fois réussi à intégrer rien de moins que la compétition officielle de Cannes pour son troisième film.
Under the Silver Lake change pourtant presque totalement d’orientation et remplace l’horreur par le thriller. Direction L.A cette fois pour une plongée en eaux troubles en compagnie de l’acteur Andrew Garfield (Silence, The Social Network) et Riley Keough (It comes at night, American Honey).
Dans It Follows, David Robert Mitchell parlait d’une jeune femme “contaminée” sexuellement par un homme se disant pourchassé par une créature polymorphe. Puzzle Carpentérien où l’horreur se suggère plus qu’elle ne se voit, le film semble de prime abord très éloigné d’Under The Silver Lake, loufoque histoire d’un millenial charmé par une voisine qui s’envole dès le matin suivant. Pourtant, les deux métrages partagent un même univers paranoïaque où l’indicible se cache dans les détails. Si la créature d’It Follows devient même un écho insidieux incarné par cette femme-hibou surgissant le temps d’une séquence à filer des frissons aux plus endurcis. Le cœur paranoïaque du précédent métrage de David Robert Mitchell infecte sans aucun doute possible Under the Silver Lake.

Thriller au noir où le bling-bling d’Hollywood cache mal les nombreux pièges décelés par Sam, Under the Silver Lake est avant tout une peinture brillante d’une génération vide de sens qui se cherche mystères et aventures dans les boîtes de céréales et autres musiques confidentielles d’artistes provocateurs. David Robert Mitchell capture avec aisance cette génération des années 90–2000 qui construit sa propre mythologie à partir de rien, façonnant des légendes urbaines farfelues et des quêtes encore plus étranges. Andrew Garfield y incarne donc Sam, un loser magnifique qui passe sa vie à glander dans un appartement qu’il est incapable de payer. Il baise occasionnellement avec ce que l’on qualifiera gentiment de plan cul amical mais finit bien vite par dégoûter littéralement la gente féminine.
L’univers de Sam regorge pourtant de mystères dès que l’on s’approche d’un peu plus près. Under the Silver Lake invoque des leitmotivs à base de tueurs de chiens et de roi-clochard, joue sur la nostalgie d’une culture-pop toujours plus fleurissante par l’intermédiaire de ces gamins des années 80/90 devenus adultes aujourd’hui, embrouille le spectateur dans un joyeux bordel à mi-chemin entre le grotesque et l’inquiétant. Pêle-mêle, David Robert Mitchell invoque références cinématographiques classiques (l’appartement de Sam en est littéralement tapissé), jeux-vidéos cultes (pour fans de plombier moustachu) et culture musicale pour initiés avec son groupe parodique central dans lequel Jesus devient un imposteur.

Ce qui réjouit particulièrement dans ce récit timbré, c’est le soin de son réalisateur pour brasser une pop-culture devenue une norme et sa façon de lui ré-insuffler un mystère de tous les instants, sans oublier de lui rendre son charme et son côté transgressif. La peinture du passage à l’âge adulte de Sam se confond avec sa découverte de l’envers du décor, un décor qu’il vaut certainement mieux laisser là où il est. La profusion de suppositions et d’énigmes disséminées par Under the Silver Lake rend le spectateur paranoïaque à son tour, toujours à l’affût du moindre début de complot et autres cadavres de chiens sauvagement mutilés. Le tout est servi par la réalisation impeccable d’un David Robert Mitchell au sommet de sa forme et qui capture le charme si particulier de L.A et de ses artistes déç(h)us.

Superbe portrait générationnel et récit complotiste jouissif à souhait, Under the Silver Lake croque une pop-culture minée de secrets en tendant un miroir peu flatteur à une société absurde, triste et souvent pathétiquement drôle. David Robert Mitchell vient tout simplement d’entrer dans la cour des grands.
Note : 9/10
Meilleure scène : La confrontation avec le compositeur.