Mini-série : WandaVision

Qu’est-ce que le deuil ?

Nicolas Winter
Juste un mot
Published in
5 min readMar 7, 2021

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Avec l’acquisition par Disney de la franchise Marvel, c’est tout l’univers des super-héros télévisuels qui se retrouve transfiguré.
En effet, jusque là, les séries télé Marvel étaient, majoritairement, gérées par Netflix avec le fameux univers partagé des Defenders qui compte Daredevil, Luke Cage, Jessica Jones ou encore le Punisher.
Avec l’arrivée de Disney aux manettes et surtout de sa plateforme Disney +, le Marvel Cinematic Universe investit le petit écran.
Premier essai, une étrange mini-série de neuf épisodes intitulée WandaVision qui, comme le laisse présager son titre, s’intéresse au couple formé par Wanda Maximoff (alias The Scarlet Witch) et Vision (mort à la fin d’Avengers Infinity Wars des mains de Thanos).
Sous la houlette de l’omnipotent Kevin Feige et de la showrunneuse Jac Schaeffer (co-scénariste de Black Widow et Captain Marvel), voici donc le grand retour de Marvel sous forme de…sitcom !

Un deuil dans la famille

WandaVision commence de la plus étrange des façons puisque l’on découvre Wanda Maximoff en noir et blanc avec son mari Vision vivant tous les deux dans une petite ville américaine traditionnelle à l’esthétique tout droit sortie des années 50-60 !
Bien vite, au-delà des rires pré-enregistrés et de l’aspect ultra-kitsch de la chose, le spectateur va s’apercevoir que quelque chose cloche dans cet univers surréaliste ouvertement inspiré de séries cultes américaines telles que The Dick Van Dyke Show et I Love Lucy.
Durant les trois premiers épisodes, le spectateur suit une sitcom évolutive qui change d’époque à chaque épisode, passant du noir et blanc à la couleur, et qui dissémine petit à petit des indices sur la véritable situation de Wanda.
À compter du quatrième épisode, l’univers Marvel semble se remettre en place et le capitaine Rambeau (fille de Maria Rambeau dans Captain Marvel) enquête sur un étrange phénomène dans la ville de Westview à la demande du S.W.O.R.D. C’est ici que le spectateur comprend que Wanda a piégé Westview et ses habitants dans un univers tout droit sorti de son esprit meurtri.
Mais pourquoi ? C’est bien la question qui va longtemps hanter la série et Jac Schaeffer trouve là une réponse aussi belle qu’évidente : le deuil !
WandaVision, au lieu de jouer la formule Marvel habituelle, se concentre sur le personnage de Wanda Maximoff (interprétée par une Elizabeth Olsen tout à fait formidable) et sa relation amoureuse avec Vision (Paul Bettany, impeccable).
Toute la série s’intéresse en réalité au deuil de Wanda et à sa façon de le gérer. En retraçant les étapes de ce deuil (déni, colère, dépression, acceptation…), Jac Shaeffer parvient à construire quelque chose d’infiniment juste et touchant, d’une force peu commune par la réaction disproportionnée d’une femme dotée de pouvoirs extraordinaires.
Comment accepter la perte de son plus grand amour ? Comment faire le deuil d’une vie qui ne sera jamais ? C’est là tout le cœur de WandaVision…mais pas que !

La sitcom en question

L’autre thématique principale de WandaVision, c’est le rapport de la société américaine à la sitcom, pur produit culturel américain et marque de fabrique d’une certaine idée de la famille et de la liberté à travers le monde…au moins durant un temps.
WandaVision s’amuse à rendre honneur à une foultitude de shows marquants de The Dick Van Dyke Show à Malcolm en passant par The Office. La mise en scène, véritablement originale et intéressante à plus d’un titre, s’attache à retranscrire et détourner les codes de la sitcom tout en offrant une réflexion tout à fait inattendue sur le rôle culturel et social de la série télévisuelle.
Pour Wanda, la série télé est non seulement un acte d’union familial, un synonyme de bien-être et de joie mais également un rappel d’une certaine liberté culturelle (son père vendait des séries américaines sous le manteau en Sokovie, avatar à peine masqué de l’ex-URSS).
WandaVision se permet non seulement de nous offrir l’histoire terriblement poignante de Wanda, mais elle cherche à explorer l’importance qu’a pris la série télévisée dans l’imaginaire populaire et son rôle de reflet de l’évolution sociale.
Évolution que le spectateur remarque dans la série n’est pas simplement le changement de format ou l’apparition de la couleurs, mais bel et bien le traitement des thématiques sociales, le rôle tenu par les personnages féminins et issus des minorités sans compter l’aspect générationnel (très marqué dans Malcolm par exemple).
Rien n’est véritablement gratuit dans ces épisodes, surtout qu’en plus de nous interroger sur notre rapport à la série télévisée, ils se permettent de relier petit et grand écran en assurant une liaison passionnante avec le Marvel Cinematic Universe.

Marvel, du petit au grand écran

Dernier point fort de la série : sa capacité à démontrer le potentiel d’un univers partagé entre petit et grand écran.
WandaVision développe ici des choses que le cinéma ne pourrait pas développer avec autant d’acuité et de profondeur.
Elle permet aussi, et surtout, de faire le point sur l’après-Endgame tout en plaçant les pions nécessaires au lancement de la Phase 4 au cinéma.
Le spectateur et amateur de Marvel y re-découvre des personnages archi-connus (Wanda, Vision), s’étonne de la présence de petits « nouveaux » (Rambeau, Quicksilver) et découvre d’autres protagonistes alléchants (Harkness, Vision 2.0).
Kevin Feige démontre de façon particulièrement intelligente l’avantage du format télévisuel tout en réaffirmant sa volonté d’en faire un tout cohérent et passionnant, une entreprise tout à fait unique dans l’histoire du cinéma et de la télévision.
WandaVision s’avère également une excellente occasion d’offrir une origin-story à Wanda et d’étoffer la relation entre elle et Vision, d’en faire quelque chose qui va plus loin que le seul film d’action et qui, au final, offre au spectateur quelque chose de beau, de touchant, de rythmé…et d’intelligent !

WandaVision n’était pas forcément la plus attendue des séries Marvel mais elle s’impose non seulement comme une réussite incontestable mais une preuve indéniable que l’univers Marvel a des choses bien plus intéressantes à dire lorsqu’il s’en donne la peine. Portée par deux acteurs brillants et bourrée de surprises, la série de Jac Shaeffer impressionne.

Note : 8.5/10

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