10 films d’horreur méconnus

Frissons méconnus

Nicolas Winter
Juste un mot
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8 min readJan 27, 2018

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Depuis quelques années, le genre horrifique a disparu des salles de cinéma…ou presque.
Si les connaisseurs reconnaîtront en couverture de cet article l’une des scènes les plus mythiques du genre, la raison en est simple : Massacre à la tronçonneuse apparaît comme l’archétype d‘une horreur viscérale qui marque sur la durée.
Le problème de l’horreur actuelle est qu’elle ne comprend pas que l’aspect montagnes russes ne suffit pas à construire un véritable film d’horreur. Même si le spectateur répond souvent présent, il faut aussi avouer qu’à force d’être biberonner à une horreur fast-food instantanée, le dit spectateur n’a même plus conscience qu’il ne fait que prendre un shoot d’adrénaline bon marché au lieu d’éprouver le choc laissé par une véritable oeuvre dotée d’une ambiance, d’un caractère et, surtout, d’une patte artistique.

Revenons donc quelques minutes sur le Massacre à la Tronçonneuse de Tobe Hooper tourné en 1974 et qui avait, à l’époque, défrayé la chronique. Comme beaucoup de gens à l’heure actuelle le croit encore et comme ont voulu le faire croire les remakes/reboot/suites/préquelles de ce film-culte, l’aura qu’a réussi à acquérir le métrage ne se résume pas à des séquences de tortures et autres joyeusetés gores. Non.

Si Massacre à la tronçonneuse continue à s’imposer comme un maître-étalon du genre c’est parce qu’il distille un malaise qui va crescendo durant son visionnage et étrille une certaine Amérique reculée bien plus proche de nous qu’on ne pourrait le croire, dynamitant les codes de la famille occidentale traditionnelle. C’est d’ailleurs au cours d’une séquence inoubliable, celle du repas, qu’Hooper abandonne l’angoisse du charcutage brut pour chasser sur les terres du glauque familial. Son côté bricolé involontaire donne à Massacre à la Tronçonneuse un caractère crédible et secoue profondément le spectateur dans ses baskets.
L’horreur, la vraie, la voilà !

Aujourd’hui pourtant, la mode est au torture-porn (même si le phénomène a tendance à s’atténuer) ou aux franchises qui se diluent d’épisodes en épisodes (Saw, Insidious…). Il faut donc chercher ailleurs pour trouver des films d’horreurs à la hauteur. Du genre à prendre des risques, à oser une vraie histoire et de véritables sous-textes politiques et sociaux… Le genre d’œuvres inspirées et inspirantes qui font du bien et redorent l’image quelque peu ternie d’une horreur devenue synonyme d’attraction formatée plus qu’autre chose. Pour cela, il faut chercher ailleurs et notamment dans les festivals (Gerardmer, L’Etrange Festival, Sundance parfois…) mais aussi dans les Direct-to-DVD qui cachent parfois de véritables petites bombes. Alors si vous avez envie de davantage que quelques frissons ce soir, voici 10 idées de films à découvrir pour comprendre que l’horreur ne se résume pas à faire sursauter le public.

1. L’Echelle de Jacob d’Adrian Lyne

Trichons un peu pour ce premier long-métrage puisqu’il ne s’agit pas vraiment d’un film récent. Sorti en catimini en 1990, L’Echelle de Jacob a inspiré une génération de cinéastes et d’artistes, notamment Keiichiro Toyama, père de la superbe (et terrifiante) série de jeux vidéos Silent Hill. Dans une ambiance dérangeante parsemée de scènes glauques au possible, Adrian Lyne dissèque le traumatisme post-Vietnam et élève l’horreur à un niveau métaphysique et intimiste surprenant.
Indispensable.

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2. Excision de Richard Bates Jr.

Passé par L’Étrange Festival avant d’échouer à la case Direct-to-DVD, Excision est un premier film d’horreur remarquable du cinéaste Richard Bates Jr. Il y met en scène une Annalyne McCord métamorphosée dans la peau de Pauline, une adolescente boutonneuse qui fait des rêves extrêmement dérangeant où les scalpels côtoient le sexe. Excision s’enfonce dans la folie d’une jeune femme au bord du gouffre et que personne ne voit vraiment en train de tomber. Jusqu’à la catastrophe. Viscéral, entêtant et malin.

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3. Goodnight Mommy de Veronika Franz et Severin Fiala

La Mostra de Venise puis Gerardmer et…un Direct-to-DVD. Incompréhensible que Goodnight Mommy, premier film d’horreur autrichien de Veronika Franz et Severin Fiala, sélectionné pour la course à l’oscar du meilleur film en langue étrangère, ait fini dans un quasi-anonymat en France. Dans une atmosphère froide et inquiétante, le film suit les retrouvailles entre une mère et ses deux garçons au lendemain d’un accident tragique. Défigurée, cette maman a des allures de monstre pour Lukas et Elias…qui vont finir par devoir se défendre contre cette inconnue. Renversement de la cellule familiale, horreur froide et clinique au fond psychologique malaisant, Goodnight Mommy laisse des marques et n’a rien d’un conte pour enfants.

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4. The VVitch de Robert Eggers

Même parcours inexplicable pour The VVitch de l’américain Robert Eggers qui après avoir ébloui Sundance et Gerardmer a atterri sur les étalages avant la case cinéma. Qu’à cela ne tienne, The VVitch s’est déjà forgé une solide réputation dans le milieu de l’horreur grâce à sa puissante mise en scène et la dislocation de sa cellule familiale à travers le passage à l’âge adulte de son héroïne, la formidable Anya Taylor-Joy. Une balade à l’orée des bois que vous n’êtes pas prêts d’oublier.

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5. We Are What We Are de Jim Mickle

Rayon réalisateurs qui gagnent à être connus, Jim Mickle occupe une bonne place. Après un Stake Land plus que sympathique (et qu’on vous conseille grandement par la même occasion), We Are What We Are nous emmène dans une Amérique puritaine qui n’a semble-t-il pas digérer totalement ses vieilles pulsions. Ce remake du film mexicain Ne Nous jugez pas peut non seulement compter sur un casting excellent mais également sur un récit dérangeant qui, encore une fois, révise la cellule familiale en y insérant un sous-texte mystico-religieux dérangeant. A découvrir.

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6. The Woman de Lucky McKee

Autre réalisateur remarquable injustement méconnu, l’américain Lucky McKee a pourtant déjà à son actif un certain nombre de pépites parmi lesquelles May et The Woods. Mais c’est The Woman, écrit en collaboration avec Jack Ketchum, qui frappe le plus fort. Un professeur et père de famille recueille une femme sauvage qu’il trouve dans les bois. Au lieu d’en avertir les autorités, il enferme celle-ci à la cave et se met en tête de la civiliser. Charge féministe brutale et perversion de l’American way of life, The Woman bénéficie en prime de l’épatante prestation de Pollyana McIntosh. Un véritable uppercut en somme.

7. The Loved Ones de Sean Byrne

L’autre pays de l’horreur…c’est l’Australie. Pour vous en convaincre, il suffit d’aller jeter un œil sur Les Crimes de Snowtown ou le plus récent The Love Hunters. Mais c’est de Sean Byrne et de son terrifiant The Loved Ones que nous allons parler ici. Partageant une relation très…particulière avec son père, Lola va se faire son propre bal de fin d’année à domicile en invitant Brent pour partager cette soirée inoubliable. Glauque à souhait, parfois insupportable, The Loved Ones dynamite le genre et offre une plongée dysfonctionnelle dans la tête d’une fille (et d’un père) totalement dérangés. Un coup de perceuse pour le spectateur.

8. Alléluia de Fabrice Du Welz

L’excellent réalisateur belge Fabrice Du Welz, après avoir calmé tout le monde avec son éprouvant Calvaire, est revenu en catimini avec Alléluia. Cet OFNI très peu diffusé en France offre une relecture barrée et malsaine de l’amour fusionnel à travers l’équipée sanglante d’un couple de psychopathes incarnés par le génial Laurent Lucas et la surprenante Lola Duenas. Une histoire d’amour méchamment réjouissante (et sanglante) qui sape notre vision du couple traditionnel.

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9. The House of 1000 corpses de Rob Zombie

Rob Zombie est dingue. Mais vous le saviez déjà. Même s’il est davantage connu pour The Devil Reject’s (excellent au demeurant) et son remake d’Halloween, le chanteur avait d’abord livré une oeuvre d’horreur underground barrée et improbable qui avait circulé un temps dans les milieux autorisés en France avant d’atterrir directement dans les bacs DVD (encore). Hommage aux films freaks et horreur débridée sont au programme de The House of 1000 Corpses qui lorgne vers la famille de Massacre à la Tronçonneuse pour finir par se contrefoutre des limites et par offrir un n’importe quoi truculent. Un petit monument du genre.

10. Infectés d’Alex et David Pastor

Finissons par un long-métrage lui aussi quasi-confidentiel avec Infectés des frangins espagnols Alex et David Pastor. Premier film des deux cinéastes, Infectés est un faux-film de zombie qui gratte peu à peu l’humanité de son univers pour révéler l’horreur de l’égoïsme humain. Dénué de tout effet gore ou presque et reposant entièrement sur les questionnements moraux de ses personnages, Infectés s’avère un film aussi brillant qu’émouvant, surtout lorsqu’il s’intéresse à la relation entre Danny et Brian Green. Les Pastor confirmeront plus tard leur talent dans l’excellent Les Derniers Jours…qu’on vous recommande également.

En effet, l’horreur n’est pas morte.
Il semblerait juste qu’il faille se donner un peu plus de mal pour la trouver entre les bouses Hollywoodiennes qui sortent régulièrement sur les écrans de cinéma.
En n’oubliant jamais au passage que l’horreur se doit de bousculer et déranger avec intelligence et non pas offrir un spectacle facile oublié en quelques jours à peine.
Pour preuve : 44 ans plus tard, Massacre à la tronçonneuse hante toujours le genre horrifique et l’esprit de ses spectateurs.

Nicolas Winter

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